Retour de Neil Hannon, gourou de la pop symphonique au sein de The Divine Comedy. Victory for the comic muse s’ annonce comme une demi-réussite, parfois empesée par les réflexes faciles de son géniteur.


A chaque nouvel album de The Divine Comedy, on a l’impression, curieuse et agréable, de retrouver un vieil ami. Depuis Liberation et Promenade et jusqu’à ses opus plus accessibles, c’est avec le même plaisir que l’on aborde chaque nouvelle production du groupe, même si Neil Hannon se laisse volontiers séduire par les sirènes d’une certaine facilité.

«If there’s a war, I’ll sleep with you before you get killed» : c’est sur cette remarque grinçante que s’ouvre Victory for the comic muse. Bientôt, une instrumentation riche (violons, xylophone, accompagnés d’une guitare électrique et de cuivres) esquisse le squelette d’une composition à la tonalité plus sombre que celle, guillerette, volontiers adoptée par The Divine Comedy. La rythmique est marquée par une batterie assez présente, et la profusion d’instruments donne au morceau un aspect répétitif, sinon cacophonique. «I don’t wanna die a virgin», chante Neil Hannon, avec des intonations inquiétantes qu’on ne lui connaissait pas. Cette ouverture orageuse passée, le chanteur retrouve ses vieilles habitudes de crooner décalé, et joue le fils prodigue dans “Mother Dear”, jolie déclaration à sa môman sur fond de banjo, piano et cordes.

Les deux titres suivants se présentent comme un dyptique qui évoque les mêmes thèmes à travers deux prismes différents. Il y est question d’une jolie diva surmaquillée et capricieuse (“Diva Lady”), puis de l’histoire sans éclat d’une «femme d’un certain âge» vivant dans une cage dorée. Neil Hannon reprend ses obsessions habituelles, mélange de luxe vénitien, de dandysme anglo-saxon et de bonnes manières à la française. Mélange artificiel s’il en est, mais qu’il s’approprie avec une spontanéité déconcertante. Le résultat est assez proche du style qui a fait sa gloire : une pop soutenue par de nombreux instruments spécialement échappés d’un orchestre (trompettes, xylophone, cordes, piano) et traversée d’un certain souffle lyrique. Sur les refrains, The Divine Comedy démontre une fois de plus son don pour les ritournelles efficaces, qui savent éviter – parfois de justesse – l’écueil d’une pop sans imagination.

Et c’est précisément cet écueil qui menace en permanence toute formation utilisant les ficelles d’une certaine musique sirupeuse et grandiloquente. Sur “The Light Of Day”, le chant rétro de Neil Hannon associé aux choeurs mielleux qui enrobent le refrain nous font l’effet d’un bonbon indigeste. Même formule – et même impression – sur “Arthur C. Clarke ‘s Mysterious World” ou sur “The Plough”, chansons sans grande personnalité d’un chanteur qui se repose sur ses lauriers symphoniques. Lorsque ce dernier parvient à s’affranchir de cette mythologuie personnelle qui lui colle à la peau, le résultat s’en trouve plus léger, comme sur cette fugue au piano “Threesome” ou sur “Snowball In Negative” qui évoque les débuts de Sujan Stevens. Victory… ne révolutionnera pas la pop en général, ni celle de The Divine Comedy en particulier. Mais on ne leur en tiendra pas vraiment rigueur, car on pardonne tout aux vieux amis.

– Le site de The Divine Comedy