Il suffit de voir l’énorme pile de CD qui s’amasse dans notre boîte aux lettres jour après jour pour comprendre que seuls quelques-uns auront la chance de sortir du lot. Ce ne sont d’ailleurs pas toujours les meilleurs à qui l’on donne une chance : certains sont attendus au tournant, d’autres avivent une curiosité, d’autres encore brillent par leur prise de risques ou leur originalité. C’est de cette dernière catégorie qu’il va ici être question. Un filtre – subjectif bien sûr – décide de la suite à donner à la chose. Il y est question du bac Who Cares ?, le plus rempli de la rédaction…
Ce qui vaut pour ceux chargés de donner leur avis, vaut également pour ceux qui nous proposent cet objet culturel mais ô combien tributaire de pièces sonnantes pour la pérennité de l’entreprise qu’est le label. Métier vraiment dur quand on regarde ce qui marche et ce qui ne marche pas. On peut longtemps philosopher sur l’énorme responsabilité des médias qui décident de ce qui sera un tube ou non. En ce qui nous concerne, c’est face à cette médiocrité ambiante que nous voulions à l’origine nous soulever, d’une manière ou d’une autre, même si notre entreprise n’arrive même pas aux orteils de ses ogres.
Mais revenons à nos moutons. Dans le monde alternatif – à savoir, grosso modo, de produits dits non-commerciaux – il y a à boire et à manger. Dans cette prise de risques commerciale qui incombe au label, dans toutes les démos et artistes qu’il découvre, il parie souvent sur des artistes dirons-nous « à potentiel ». Lisez par là que ces derniers proposent une lecture très particulière de la musique, utilisant parfois ad nauseum une manière de faire originale. Des fois ça marche – regardez le succès de Joanna Newsom et de sa harpe, ou de Cocorosie et de leur bric à brac pour enfants – parfois moins. Afin d’illustrer notre propos, nous allons nous pencher sur certains de ses disques tout frais tout neufs.
– The Heritage Orchestra (The Heritage Orchestra, Brownswood) (ils paraissent sur une des faces B des Arctic Monkeys) part d’une idée très simple : fusionner musique classique, jazz et funk. C’est donc à un véritable orchestre classique doublé d’un combo jazz avec cuivres et tutti quanti que l’on a affaire. Bien que sur papier et sur prime écoute le projet paraisse alléchant, on se retrouve très vite pourtant – et paradoxalement – dans un style qui n’apporte absolument rien de neuf. Sans parler des titres chantés qui semblent figurer soit pour faire plaisir à sa chanteuse Liz Swain (…), soit pour rentrer dans un moule plus classique à même de ravir les amateurs de jazz passe-partout. Verdict ? Dans le bac « Who cares ».
– Joe Lally (There to here, Dischord), ancien bassiste de feu Fugazi, collaborateur des albums de John Frusciante, et notamment du projet en commun Ataxia, sort un album en solo. Pour les amateurs de basse en veux-tu en voilà, ou pour ceux qui recherchent un décapant à un prix abordable, ça peut le faire. Pour les autres, il s’agit d’un objet de curiosité qui montre rapidement que treize titres qui tournent autour de la basse c’est un peu…. comment dire… trop. Il y manque probablement la participation d’un Frusciante. Il y a de quoi le rayer de son carnet d’adresses. Reste une pochette et des photos signées Antonio Tricarico qui valent franchement le coup d’oeil. Verdict ? Dans le bac « Who cares ».
– Brighblack Morning Light (Brighblack Morning Light, Matador) est sans nul doute le plus intéressant des trois, mais n’en est pas incontournable pour autant. Du Rhodes en veux-tu en voilà, des guitares Gibson, de la flûte, de la conga, une voix qui traîne, une basse lancinante, des cuivres… : tout est là pour nous aguicher, avec ce revival qui rappelle, et cette nouvelle étiquette tellement tendance aux USA : le « going-native », avec références indiennes and co (photos à la Blair Witch Project à l’appui). La bio mentionne Joanna Newsom et Devendra Banhart dans leurs copains, après un premier album produit par Paul Oldham… On s’en fout, non ? Ils sont people et alors ? La musique s’apparente à une sorte de blues-soul (virant parfois BVSC) pas déplaisant, mais ennuyeux sur la longueur car mordant sur la même chique de bout en bout. Au bout d’un moment, comme un chewing-gum, on ne pense plus qu’à une chose : le cracher ! Verdict ? Dans le bac « Who really cares ».
– Enfin, Tilly and the Wall (Bottoms of Barrels, Moshi Moshi) : un combo d’hommes/femmes qui chantent à plusieurs voix sur des cadences atypiques qui tapent sur tout ce qui bouge. On mélange le folk et la pop sixties et on se dit que ça va marcher. Ça donne de chouettes airs, de chouettes rythmiques aussi, mais sans plus. Comme précédemment, c’est encore une fois l’effet chewing gum. Verdict ? Dans le bac « Who cares ».