Encore un excellent cru pour l’ex Third Eye Fondation, dont le chant de biture foklorique et schyzophrène se bonifie avec le temps. Enivrant.


Pour ceux qui suivent Matt Elliott depuis The Third Eye Foundation, le tournant artistique déroutant opéré sur ces disque en solo s’apparente à une horloge qui remonterait le temps jusqu’à la source. L’expert a fini par se débarrasser de son bazar hi-tech et des pulsions post-electro de 3EF pour un jeu de cordes nylon, un accordéon ou un violoncelle larmoyant au service d’airs de bohême folklorique. Du statut de génie de la drum’n’bass, Matt Elliott est passé via son second album solo Drinking Songs (2005) à celui de musicien du monde authentique.

Les vieux fantômes ne sont pas partis pour autant et sont toujours palpables à travers les tourments de l’écriture. Une détresse qui malgré cette nouvelle peau continue de se transmettre comme la peste. En prolongement logique, Failing Songs, frise maintenant le coma éthylique sentimental. Forcément, pareil état réveille d’autres légendaires piliers de comptoir comme le cadavre imbibé de Charles Bukowski et son alter ego musical Tom Waits (“Broken Bones” paraît à ce titre un hommage évident). Tel un malade de l’amour qui a encore une fois trop forcé sur la bouteille, Matt Elliott chante des paroles inaudibles remplies de désespoir qui résonnent du fin fond d’une taverne de St Petersbourg. Il tente alors quelques pas de danse désespérés aux relents de Polka sur “The Failing Song” et trébuche immanquablement (merveilleusement).

Ses chansons folkloriques donnent l’illusion d’une épure en trompe l’oeil, mais dissémine toujours une précision de copié/collé saisissante. Seul aux commandes, l’érudit échantillonne ses propres choeurs pour bâtir un mur phonique, martial et hanté, élevé par des choeurs russes à réveiller la dépouille de Lénine (“Chains”). Chaque écoute réserve une nouvelle surprise, tel un infernal emboîtement de poupées russes. Le fantomatique “Desamparado” trahit encore un goût pour la matière dissonante, où s’en suit un crescendo sonique stupéfiant qui aspire l’auditeur dans un tourbillon malsain de bruit blanc et de flûte celtique (oui, c’est possible).

Ses valses des balkans tragiques (“Gone”, “Lone Gunman Required”), voire peut-être tziganes (“Broken Bones”) ne manqueront pas d’établir un parallèle avec le précoce Beirut, mais force est d’admettre que l’ex-cerveau de Third Eye Foundation a un peu plus de bouteille (au sens propre comme au figuré). Aussi fêlées soit-elles, les « chansons ratées » de ce talent atypique ne manquent pas d’éclat et jouissent d’une force d’évocation…. troublante. Offrez lui les choeurs de l’armée rouge, Matt Elliott vous composera la symphonie korobeiniki ultime.

– Le site officiel de Matt Elliott