Parmi les nombreux projets artistiques menés en parallèle par John Zorn, Astronome s’inscrit dans une veine hardcore des plus radicales. Cet opéra en trois actes, dédié à Antonin Artaud, Edgard Varèse et Aleister Crowley, prolonge le mouvement apocalyptique inauguré avec Moonchild, sorti il y a un peu moins de six mois, et tire sa force de sidération d’une impressionnante collusion sonore entre le grunge et le free jazz confinant à un noise rock viscéral que d’aucuns trouveront éprouvant. Compositeur, arrangeur et directeur de ce projet hors norme, John Zorn se révèle aussi être un chef d’orchestre démoniaque qui mène moins à la baguette son trio de fidèles disciples (Joey Baron à la batterie, deux membres de Fantômas, Mike Patton au « chant » et Trevor Dunn à la basse, et Bill Laswell à la production) qu’il ne crée les conditions idoines à la libération de pulsions exacerbées et favorise un déchaînement commun de puissances informelles. A la fois très écrits et improvisés, les morceaux d’Astronome donnent vie à des forces latentes et marginalisées qui imposent soudain leur structure propre, déchirent le rideau des convenances et courbent l’espace selon leur insolite turbulence. Cris primaux, saturations électriques tous azimuts et battements tribaux marquent un embrasement sonore perpétuellement reconduit, qui ménage peu de place au repos. Libérée de toute astreinte, la sauvagerie nihiliste ainsi déployée finit par atteindre une beauté stupéfiante, réinventant un langage musical qui substitue au néant de notre époque chaotique le souffle vital et jubilatoire de la création hic et nunc. Absolument essentiel.

– Le site de Tzadik.