Après un premier album renversant, les Field Music récoltent leurs graines sur Tones of Town. Un disque labyrinthique qui redonne un coup de fouet aux harmonies pop usées jusqu’à la corde.
On ne pourra pas reprocher à ces mauvaises graines de Field Music de prendre racine… (mais c’est qu’il serait presque fier de son mauvais jeu de mot en plus ! Grand moment de solitude de la part de votre serviteur). En moins de deux ans, Andrew Moore, les frères Peter et David Brewis ont produit une flopée de EPs et singles (réunis sur une compilation, ils ont pensé à tout) et surtout un premier album au pedigree prestigieux. Par-dessus le marché, ce premier album commençait à peine à traverser La Manche et l’Atlantique voilà tout juste un an que le trio britannique reprenait déjà le chemin des studios pour mettre en branle leur second album, le tout sans interrompre une tournée marathonnienne rayonnant de l’Europe jusqu’aux Etats-Unis. Quand trouvent-t-ils le temps de manger ? C’est un mystère…
Petit séisme outre-manche, les Field Music émergent de Sunderland. Petite ville du nord jusqu’ici sans héritage rock, c’est pourtant désormais là-bas que se manigance la plus passionnante scène rock britannique. Les premières secousses soniques en ville se font ressentir en 2004 avec le rock fragmenté des Maximo Park et des non moins percutants Futureheads. Depuis, nous nous sommes mis à surveiller de très près les environs. A eux trois, cette confrérie est parvenue à imposer un style en rayant de leur vocabulaire les mots « évidence » et « linéaire » pour ceux de » alambiqué » et « déstructuré ».
Sans aucun doute les moins binaires du lot, les Field Music ne sont pas pour autant les plus sages. Ce power trio échafaude une pop ardue qui prend sans cesse à contre-pieds et s’impose comme une alternative au formalisme rock et autres progressions d’accords consensuelles. Chacun de leurs morceaux fourmille de rebondissements, à nous faire bailler ensuite devant un scénario de 24h/chrono. A l’instar des aventures trépidantes de Jack Bauer, la trame mélodique est – il faut le concéder – un petit peu difficile à suivre, mais une fois rentré dedans, il faut lutter pour ne pas en devenir accro.
Si sur leur album éponyme le power trio mettait en application leur dogme « déconstructiviste », celui-ci révélait au fil des écoutes une connaissance approfondie de la pop (Left Banke, XTC…). A la lumière de Tones of Town, l’influence des Beach Boys est désormais prédominante, notamment sur “Give It Lose It Take It” et “Sit Tight”, ou les parties de piano évoquent un Smile transposé en 2007. Imaginez aujourd’hui un Brian Wilson qui aurait conservé son degré de folie et se permettrait de revisiter ses standards, en compagnie des radicaux non moins zélés Deerhoof. Des cordes baroques viennent se télescoper à cette foison d’harmonies vocales et de guitares turbulentes, comme sur le superbe “Gap Has Appeared” ou l’éponyme “Tones of Town”. “In Context”, énorme single au motif de guitare claire obsédant, se révèle ainsi à double tranchant. On pense avoir affaire à un air inoffensif mais c’est un véritable mille-feuille mélodique qui se cuisine devant nous.
Méthodiquement ciselé, Tones Of Town facine par son cachet imprévisible. C’est une machine rutilante à qui on ferait subir les tests de fiabilité les plus invraissemblables : contorsion, distorsion, démontage, remontage, rien ne semble la perturber. On n’a pas fini d’en explorer les rouages.
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