Le temps n’est plus à la gaudriole. La nostalgie semble avoir gagné ces vieux enfants insupportables sur un album déjà classique. Un must du genre, oui mais de quel genre ?


Sept ans d’existence et déjà sept albums au compteur. On en a vu des bien plus visibles et bien moins productifs.

Les gandins de Mardi Gras.BB nous font de plus en plus penser à ces sympathiques branleurs de Fun Lovin’ Criminals. Creusant peu ou prou le même sillon depuis leurs débuts respectifs, soit la musique américaine cuivrée pour les Allemands et le rap gras du bide et super cool pour les Américains. Surfant ad libitum sur une image d’hédonistes un brin vulgaires tout en s’échinant dans l’ombre à créer une oeuvre un peu monolithique mais foisonnante et à la qualité constante. Vieillissant plutôt bien sans se départir d’un apparent détachement face à toutes les contraintes techniques ou promotionnelles, et offrant toujours des concerts épiques. Mardi Gras.BB et Fun Lovin’ Criminals sont deux groupes dont les silences (jamais longs) ne nous gênent pas, mais que nous prenons toujours autant plaisir à retrouver. Et cet art de cultiver une image débonnaire et je-m’en-foutiste à l’opposé de ce qu’ils sont, des acharnés du travail, est un trait de caractère qui nous sied bien, à nous, auditeurs lassés de la pose.

Autant dire que The Exile Itch ne risque pas de rameuter une cohorte de nouveaux admirateurs à Mardi Gras.BB. En revanche, l’étrange mélancolie qui se dégage de ce disque risque de dérouter de prime abord les fans les plus fidèles, avant de les faire basculer un peu plus dans la maniaquerie. Ceux qui conservent de Mardi Gras.BB l’image d’un groupe sacrifiant à l’autel de la bringue les classiques du Bayou ou les standards des séries américaines 60’s risquent d’être surpris par le côté soul, voire carrément rythm’n’blues de The Exile Itch. Les Mardi Gras.BB semblent être tombés dans une barrique de vieux disques oubliés de la Motown ou de Stax, et revisitent des musiques que l’on croyait aujourd’hui bel et bien embaumées. Certains titres sonnent même comme d’authentiques classiques. Aussi se surprend-on à les accompagner sur « Is This Me, My Friend ? » ou « Happy Boy » dès la première écoute. A tel point que l’on vérifie à deux fois avant de se convaincre que c’est bel et bien Doktor Wenz qui a signé ces tueries et que ce ne sont pas des reprises particulièrement réjouissantes qui auraient fait le bonheur de Béatrice Ardisson.

Doc Wenz, Reverend Krug et tous les autres (pas moins de 12 personnes au chevet du bébé) se révèlent en outre de plus en plus virtuoses. La preuve avec le grandiose « Who Sent The Rain », vieille scie de Zen Rodeo (2002) que l’on retrouve ici les pieds dans le béton et la tête dans un étau, forcée à regarder un incendie ravager toute sa vie. En clôture, « My Heart Flies Back To You » revient aux sources en invitant T-Model Ford à narguer Junior Kimbrough sur son terrain, celui du blues mid-tempo, noir, crade, avant d’être lui-même assommé par les cuivres d’Otis Redding pour s’achever sur une pirouette que n’aurait pas reniée John Lee Hooker. Ce mélange des genres est ici particulièrement abouti.

Et pour achever de convaincre les plus récalcitrants, un groupe qui compte en son sein un certain DJ Mahmut ne peut être foncièrement mauvais…

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