Double découverte. D’abord, celle d’un musicien multi-instrumentiste new-yorkais plutôt doué, aussi à l’aise aux saxophones (ténor, soprano) qu’à la clarinette, au hautbois et autres instruments à vent exotiques (duduk, sinai, suona, samba whistle), amateur d’Erik Satie et de physique quantique – sources d’inspiration confessées dans le livret de ce Velvet Gentlemen, « Monsieur de velours » renvoyant au surnom du compositeur français qui se plaisait, lorsqu’il arpentait les rues de Paris, à revêtir des vestes confectionnées dans ce tissu. Ensuite, plaisir reconduit à la première écoute de cette formation majuscule, qui joue comme un seul homme. Peu de têtes connues pourtant, mais l’entente s’impose rapidement comme allant de soi et instaure de fait un climat de puissante sérénité. La qualité du dialogue, voici précisément ce qui impressionne d’emblée : chaque intervention s’emboîte dans la précédente, comme sur le magistral “Place Of Enlightenment” où, tour à tour, l’accordéon (Ron Oswanski), le saxophone, la guitare électrique (Pete McCann) et la trompette (Chuck MacKinnon) se moulent à un environnement rythmique (Kermit Driscoll à la basse, John Hollenbeck à la batterie) de plus en plus étincelant. Les compositions de Dan Willis établissent un climat précis et référencé – qui prolonge les heures psychédéliques et rock du Miles Davis électrique – avant que ce dernier s’évertue à le perturber de l’intérieur, de sorte à s’éviter tout mimétisme paresseux. Notamment via le recours à un spectre de sonorités que l’on croirait illimité tant sa richesse stimule l’attention à chaque nouvelle immersion dans ce bain de forces vives. Une vision syncrétique de la musique en général, et du jazz en particulier, se fait jour dans l’ombre de déambulations instrumentales sans centre, obliques à force de déplacer constamment leur foyer mélodique. Se dessine là une poésie du mouvement durable qui atteste d’une douce euphorie à réinventer le monde sur les robustes épaules du passé. Grande découverte en somme.
– Le site de Dan Willis