Turzi, Romain de son prénom, est accompagné par un groupe qui se fait appeler Reich IV. Certains titres de son premier album mis côte à côte (« Allah Delon », « Afghanistan », « Axis Of Good »…) laissent même présager d’une musique faf. Mais il n’en est rien, le «Reich» de Reich IV évoque un certain Steve du même nom, Romain Turzi est un bon vieux fumeur de pétards, et le groupe largement multiculturel. Il ne faut y voir là que provocation. Précision hautement indispensable tellement la musique de Turzi renforce ce sentiment de malaise. Puisant allègrement dans tout ce que le krautrock a produit de plus inhospitalier, dans l’electro froide et le rock tachycardisant, A est une arme blanche, tranchante, ornée de motifs coupés et répétitifs. Les quelques textes ici présents sont dits sur un ton monocorde, glacial, et les thèmes choisis sont parfois franchement stupéfiants. Toutefois, l’ensemble de cet album, passée cette première étape de méfiance, procure une transe étrangement addictive. L’oppression amenée par certains choix de production – le son mono de « Afghanistan », les guitares électriques piétinées par les rythmes big beat, les claviers lancinants – deviendrait presque sympathique, et l’on se prend à chercher à se faire mal au fur et à mesure que le disque se déroule. Turzi ne semble pas tombé de la dernière pluie (acide) tellement certains morceaux au rythme martial s’enchevètrent dans un entrelacs de sons incompatibles sur le papier et pourtant finement amalgamés – les choeurs moyen-âgeux et le synthé stroboscopique sur « Acid Taste » – prouvant un talent certain pour la quête de l’inextricable et un volonté farouche de pousser plus avant le concept de claustrophobie musicale. Décidément, le kraut est définitivement hype : après le versant solaire de Fujiya & Miyagi, voici Turzi qui revisite son versant sombre en le passant à la moulinette versaillaise.

– Son Myspace