Troisième album pour cette formation discrète, qui combine avec classe l’héritage anglais de son chanteur et l’effervescence musicale propre à la ville de Chicago.


Jim Elkington, chanteur déjà remarqué dans son Angleterre natale au sein de formations comme Sophia ou Elevate, a traversé l’Atlantique il y a quelques années déjà. Et il a choisi, pour sa vie d’expatrié volontaire, une cité des plus attirantes : Chicago. Carrefour de la musique américaine actuelle, bastion du post-rock et d’un folk re-né, Jim Elkington a profité de cette vie musicale hors du commun pour s’en imprégner durablement. Il s’est également entouré de musiciens qui composent officiellement le groupe The Zincs depuis 2004, soit depuis leur précédent opus Dimmer. Jim y explorait le folk-rock avec les yeux émerveillés de l’expatrié qu’il était alors.

Avec Black Pompadour, Chicago a définitivement eu raison de lui. Les valises prennent depuis longtemps la poussière sous le lit, et le home sweet home de Jim s’est vu investi par une vie autonome et bordélique. En plus de se fondre dans la masse anonyme, ce citoyen chicagoan d’adoption est parvenu à infiltrer les cercles les plus restreints – et les plus respectés – de la scène qui a fait de Chicago une référence. Black Pompadour s’offre donc l’aval bienveillant de John Mc Entire lui-même, chargé de l’enregistrement et du mixage de la majorité des titres de l’album. Papa Tortoise a su apporter un travail rigoureux et particulièrement cohérent sur ce troisième album, de loin le plus abouti à ce jour. L’ouverture, “Head East, Kaspar”, est représentative de la patte hors norme de John Mc Entire. Nous voici in medias res – au coeur des choses – projetés d’emblée dans une composition dense où chaque instrument est à sa place : batterie soutenue, clavier, guitares rythmiques au jeu précis, guitare électrique qui lance un thème en ouverture, comme un appel en suspens. Le dandy Jim avance à pas feutrés : Stuart A Staples n’a qu’à bien se tenir, le pays de l’oncle Sam abrite son plus sérieux concurrent. Sa voix de baryton, d’une tessiture particulièrement agréable, se marie parfaitement à ce rock de très belle facture.

“Coward’s Corral” : The Zincs accélèrent le tempo, dans une composition centrée sur la basse, entêtante et rapide, de Nick Macri, digne héritier d’Andy Rourke des Smiths. Au milieu du titre, la guitare s’emballe un peu, comme pour mieux affirmer son autonomie face au cadre répétitif de la basse. De plus en plus en verve, Jim Elkington trouve, avec “Hamstrung & Juvenile”, le costume qui lui va le mieux. Bluesman flegmatique sur le couplet, il se dévoile dandy sur le refrain, assisté de la jolie voix d’Edith Frost qui fait trois apparitions sur l’album. Le saxophone, joué dans un registre assez grave, parfait l’atmosphère singulièrement feutrée de ce titre. “Rice Scars” explore un peu plus ce potentiel de crooner qui incombe immanquablement à tout chanteur doté d’une voix grave exceptionnelle. Et l’exercice, en plus d’être réussi, se paie même le luxe d’une nouvelle jeunesse (arpèges aériens, claps, boîte à ryhtmes).

“The Mogul’s Wives” reprend un format plus rock autour du trio infernal guitare/basse/batterie, et évoque Silver Jews jusque dans le texte (premier prix ex aequo de l’allitération décerné à Jim pour «authority rests in the nests of these snakes»). Avec “Finished In This Business”, c’est la batterie qui mène le jeu – avec une précision déjà rencontrée chez Tortoise – dans un galop binaire aux à-coups particulièrement jouissifs. Le chant, plus lent, tempère un peu cette course effrénée. Après les relents de blues de “Burdensome Son”, The Zincs explorent pendant deux titres le registre, plus sage, des ballades, plombé néanmoins par un couplet trop grave (“Lost Solid Colours”) ou un phrasé trop lent (“Dave the Slave”). Après cette brève apathie, “Rich Libertines” clôt sur un format plus rock, via un tissage d’arpèges de guitare des plus habiles.

Dans “The Mogul’s Wives”, une des pièces centrales de ce Black Pompadour, Jim nous interroge :
«Is it too much to ask for more?»

– Non, Monsieur Elkington, l’exigence n’est jamais un défaut. Et Black Pompadour, qui dépasse de loin les précédentes tentatives, en est une preuve enthousiasmante.

– Le site officiel du groupe

– Quatre titres en écoute sur Myspace