Figure de l’underground new-yorkais des années 80, ancienne égérie de Zappa, Annie Bandez alias Annie Anxiety ou Little Annie, livre à son rythme des disques grâcieusement décadents, délicieusement truculents et idéalement mutins. Avec son faux air de Brigitte Fontaine (tant par la voix que par la coiffure), Little Annie convoque sur le très enlevé Songs From The Coal Mine Canary, son sixième disque (sorti en 2006 tout de même), le piano virevoltant d’Antony qui s’amuse comme un petit fou. Il faut dire qu’il faudrait être difficile ou triste comme les pierres pour opposer la moindre résistance à ces chansons de cabaret des bas-fonds. L’humour dispute la place d’honneur au charme suranné d’ambiances faites de cuir et d’embruns, de relents de whiskey et de volutes de fumées de cigarettes longues et fines. Les textes sont couverts de vernis vermillon, tour à tour agressifs ou taquins, mais jamais légers. Sur un ton badin ou via de lentes mélopées nicotiniques, Little Annie construit par petites touches un univers baroque dans une cave exiguë. En mode parlé ou en chantant à gorge déployée, elle nous touche avec sa fragilité de femme revenue de tout, blasée ou amusée, on ne sait plus trop. Greta Garbo l’aurait adorée. Les mots «psychodrama» ou «love» ont le même goût sucré dans la bouche de ce petit bout de femme. Dans un grand moment de pure jubilation (« Absynthtee-ism »), on admire la petite dame piétiner ouvertement toutes les Joss Stone, Kelis et autres Macy Gray du monde. Même le jazz vocal féminin, las d’être maltraité par des voix aussi jolies qu’insipides, trépigne de revivre enfin dans sa veine perfide, violenté qu’il est par cette diva de pain d’épices. On comprend beaucoup mieux où des artistes aussi passionnants que Rufus Wainwright ou Antony puisent leur inspiration la plus profonde. Il faut entendre Annie Bandez toiser les cuivres, faire les gros yeux à l’orgue, dompter à coups de fouet une batterie ou des guitares qui ne demandent qu’à se faire la belle. Parce que question chemins de traverses, Annie Anxiety en connaît un rayon, on ne la lui fait plus. Il est des résurrections qui font un bien fou. Jolie (re)découverte.

– Un site de Little Annie
– Son Myspace