Après trois albums solo ou il relâchait la pédale (steel), Frank Black revient à la source rock de sa jeunesse : le monumental Black Francis.


On croyait Black Francis indissociable des Pixies, tout comme Frank Black l’était de la carrière solo de Charles Thompson. Et voilà que The Artist (ha non ça c’est Prince !) décide de porter à nouveau son nom de scène légendaire sur un nouvel album solo. L’ennui, c’est que le costume lui est désormais un peu trop étroit. Il faut dire que ces derniers temps, sa discographie manquait sérieusement de grâce. Certes, avec l’engouement énorme suscité par la reformation des Pixies, Charles Thompson à recouvré ses privilèges et l’adoration des foules. Il s’est notamment payé le caprice d’enregistrer à Nashville deux albums d’adult country/rock avec quelques musiciens légendaires, mais pour un résultat franchement soporifique. Bref, il était temps de revenir au rock’n’roll.

Longtemps annoncé et reporté sur le site de ses fans, Bluefinger est vendu comme un album de rock conçu dans des circonstances accidentelles. Soit. L’idée est intéressante. L’origine du rock lui-même n’est il pas le produit d’un accident, l’accélération du blues ? Au départ, le « Man In Black » devait enregistrer une composition inédite pour son premier best of solo. Pour les sessions de trois jours, il recrute deux inconnus au bataillon, un bassiste et un batteur locaux pas trop techniques mais qui savent rentrer dans le lard. Mr Black étant toujours aussi prolifique en studio, le power trio boucle dare-dare onze morceaux. Sauvagement rock. Dans les yeux des producteurs se réfléchit alors la planche à billets verts. Le voilà le nouvel album de Black Francis ! « Les quatre de Boston ne rentreront finalement jamais en studio » doivent se dire les mécréants « l’impact médiatique des Pixies aidant, autant battre le fer tant qu’il est encore chaud ». Enfin passons… ce n’est pas la première fois qu’on nous fait le coup.

Et ce disque alors ? Hum, on commence par la bonne ou la mauvaise nouvelle ? La bonne, c’est que Big Black recommence à hurler. Le diable braille jusqu’au sang, comme s’il avait le feu au bout de sa queue, et à ce jeu là personne ne le surpasse, même pas Jon Spencer (écoutez comme il s’étrangle sur la reprise “You Can’t Break A Heart And Have It” du punk néerlandais Herman Brood). Sur “Tight Black Rubber” et “Captain Pasty” on retrouve là le Black Francis rageur, dangereux comme un évadé, totalement imprévisible, poursuivi par des progressions d’accords mineurs qui carburent au fioul et laissent de grosses taches derrière. Rugueux à souhait, les plaies électriques sont béantes, Mr Thompson ne nous avait pas fait aussi mal depuis “Men In Black”.

Et puis vient “Threshold Apprehension”. Là, le miracle se produit, l’espace d’un instant, on croit entendre l’inédit génial des Pixies qu’on n’attendait plus. On pourrait vous dire que ce morceau mérite à lui seul l’achat de l’album, mais comme il figure déjà sur le best of… Et puis quoi d’autre ensuite ? L’envoûtant “Angels Come To Comfort You” et l’appel de ses chants de sirènes apportent un peu de douceur au milieu de ce déluge de violence. Sa nouvelle compagne est d’ailleurs présente aux choeurs sur plusieurs morceaux…

Alors la mauvaise nouvelle ? Bluefinger n’est pas un disque de Black Francis, le lot de chansons bonnes n’est pas assez en majorité, plutôt un album de Frank Black en retour de convalescence dirons-nous. Et puis il manque quelque chose, un je-ne-sais-quoi, un peu de piment lead à la Santiago… Essoufflé sur la longueur, Black Francis n’a pas encore totalement retrouvé la condition mais est en bonne voie. C’est toujours ça à prendre.

– Le site spécial de Bluefinger

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