La folk bricolo et écolo a trouvé sa voix en France. Pourtant, quand elle commence à accoucher de jeunes prétendants au podium de folk lo-fi, que seuls les Américains savaient jusque-là nous offrir, on reste clairement dubitatif. Mais c’est sans compter sur Amélie. Cette jeune chanteuse au look sage tisse une toile mystérieuse dans laquelle sont piégées de toutes petites choses et de grandes idées. Dès les premières notes de The Real Nature Of The Fantastic Ice Cream Car, premier album de cette bordelaise d’adoption, on baisse la garde, on tend la main, et on la suit sur ses chemins de traverse. Prise sous l’épaule de l’hyperproductif Kim, cintré local, féru de claudication musicale, la jeune fille a écrit et composé un album aussi gracile qu’enjôleur. La gravité d’Amélie a le rose aux joues, sa mélancolie porte des robes à fleurs et sa candeur des soquettes blanches trouées. De toypiano chuintant en guitares squelettiques, de glockenspiel pluvieux en melodica asthmatique, l’instrumentation est chétive mais jamais titubante. Tout le paradoxe est là, la fragilité de cette musique est palpable et pourtant jamais elle ne semble flancher. Elle tire sa force du talent de mélodiste d’Amélie, un talent évident abandonné à une spontanéité orgueilleuse. On sent ici la prise directe, le son live et le culte de l’erreur de studio. On hume par là le parfum orageux de colère rentrée qui pourrait vite se transformer en coups de griffes, cette odeur d’ozone qui suit immédiatement la chute de l’éclair et qui précède le déferlement du tonnerre. Ses chansons la feraient passer pour la petite soeur cachée de Chan Marshall, et sa voix pour la cadette adoptive de la famille Casady, notamment par le biais d’harmonies vocales chaotiques qu’on croirait tirées de La Maison De Mon Rêve. Mais le poids de ces références ne fait pas ombre à la fierté délicate d’Amélie. Si sa musique tient à peu de choses, ses chansons n’ont besoin d’aucun tuteur pour rester debout, bien campées sur leurs petites gambettes.

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