Quand la pop britannique part gambader dans les grandes plaines du Nebraska, elle se laisse porter par le vent et tutoie les nuages. Une grande bouffée d’air frais qui aide à la lutte contre le réchauffement climatique.


On ne sait si on doit prendre The Good Life comme un projet parallèle mineur de Tim Kasher, leader de Cursive, groupe secoué d’Omaha (Nebraska), ou si au contraire il s’agit pour lui d’exprimer ici des sentiments plus légers mais tout aussi vitaux. Toujours est-il que ce quatrième album signé sous l’appellation The Good Life n’est en rien mineur. Help Wanted Nights est de ces disques spontanément accrocheurs, dont la première écoute donne irrésistiblement envie d’y revenir.

Dès les premières notes de “On The Picket Fence”, on dépose les armes et on se laisse emporter par cette mélodie immédiate, à la tendresse presque douteuse, composée par une guitare chuchotante et une batterie balayée du bout des doigts. L’effet cotonneux est renforcé par la voix de son leader, une voix matinale qui débute piano piano pour finir par s’accoupler à un Wurlitzer et devenir subitement implorante. La surprise est entière, l’effet radical. Il n’y a plus qu’à se laisser porter.
“A Little Bit More” n’a aucun mal, à grands coups de guitares folk, à nous porter à bout de bras. Ce charme un peu facile est décidément irrésistible. On entendrait presque The Go-Betweens en backing band de luxe dans cette ballade à peine perturbée par un finale saturé. “Heartbroke”, le single, convoque un Jonathan Richman à peine réveillé, sur une rythmique dont il a le secret, traçant la route pour une lead guitar directement piquée à un Joe Santiago sous anti-dépresseurs. Voilà pour les arrangements, car pour ce qui est de la chanson, pas de doute, nous sommes dans une pop bien envoyée, puisqu’il suffit d’un peu moins de deux minutes à Kesher et ses complices pour balancer cette bombinette barbapapa.

Ainsi, de fil en aiguille, The Good Life tisse une pop aérienne, basée sur des mélodies complexes, des harmonies vocales distillées au compte-gouttes mais idéalement éparpillées dans ce disque en tout point abouti. Un peu comme si on avait retrouvé Geneva dans un désert nord-américain inconnu des cartographes.

Le livret promo évoque la difficulté de vivre, la quantité de courage nécessaire à Tim Kesher pour se lancer dans un nouveau projet, et cela semble pour lui relever de la douleur. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il cache bien son jeu. Difficile de soupçonner en effet dans ses petites sucreries la moindre trace de pénibilité tant il lui semble aisé d’élaborer de petits bouts de musique, des chansons de rien du tout, cette pop de poche à emporter partout. On peut prendre l’album dans son ensemble, ou se laisser consumer, à sa guise, par chacun des morceaux qui offrent tous leurs touches d’originalité. Soit un Rhodes vient goudronner la piste de dance du bar dans lequel le groupe joue, soit une guitare tzigane zèbre le joli refrain. A moins que ce ne soit une batterie martiale qui assombrisse quelque peu l’ambiance.

Et surtout, il y a les dix minutes de “Rest Your Head”, la tuerie qui ponctue le disque. Sur les appels du pied discrets d’une batterie que l’on devine frétillante, une guitare enroulée de claviers imaginaires commence doucement sa course de fond, face au soleil. Puis la voix, impatiente, lance ses premières questions. La tension monte, sans jamais faiblir, et va baisser d’un cran autour des 4 minutes. Et ce n’est qu’au bout de 5’06 d’attente fébrile qu’elle finit par exploser littéralement de mille feux, dans un extraordinaire carambolage de guitares azimutées, d’orgues et de chant extatique, avant de s’effondrer dans un lointain écho dont l’agonie dure les deux dernières minutes. Ce titre vaut à lui-seul l’acquisition de Help Wanted Nights.

Tim Kesher, dans son goût pour une apparente simplicité, où la spontanéité l’emporte sur la recherche (enfin, a priori), se révèle finalement un songwriter redoutable, de la trempe d’un Josh Rouse ou d’un Ron Sexsmith, auquel on pense beaucoup ici. Certes, sa pop est peut-être moins éclectique que celle des deux petits génies précités. Elle n’en est pas moins aussi solaire, évidente et mature. Et les membres qui l’entourent au sein de The Good Life (deux gars, une fille) assurent un jeu impeccable, sobre et enlevé. Help Wanted Nights, n’attendez pas le jour.

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