La Pinkushion Team avait craqué pour Citrus, deuxième album de ce trio atypique. Son premier album est réédité dans la foulée, occasion rêvée de vérifier que toutes les bases de cet étrange mélange entre shoegaze et pop mutine étaient déjà jetées.


C’est simple, Citrus n’a toujours pas quitté notre platine depuis le début de l’été. Formidable creuset qui voit My Bloody Valentine et Cardigans batifoler en japonais, le deuxième album des new-yorkais est une source intarissable de plaisirs coupables. A l’aune de ce coup de maître, le premier album, éponyme, devenait dès lors l’objet d’une curiosité grandissante. Curiosité largement assouvie.

Asobi Seksu, s’il est loin d’être aussi violent que Citrus, n’en est pas moins un redoutable album de power-rock mâtiné de shoegaze, débordant de pépites et paillettes. Cette étrange valse entre nitroglycérine et sucre glace était déjà la règle en 2004 pour le quatuor devenu trio. Guitares monstrueuses, reverb des grands jours, batterie incontrôlable, Asobi Seksu ne reste pas en place, butine et picore sans scrupules dans tous les courants qui comportent des grosses guitares claires depuis les années 80. De même que Yuki Chikudate et James Hanna, les chanteurs à la tête du groupe, se partagent le micro avec toujours autant de plaisir. Si Citrus frappe par sa morgue, son prédécesseur n’est pas en reste, ne craignant ni les rodomontades ni les comparaisons malheureuses avec leurs aînés. C’est cette spontanéité naïve ou inconsciente qui confère à la musique du groupe trans-pacifique cette fraîcheur séduisante, l’arrogance stimulante de ceux qui n’ont ni complexe ni respect.

Bien sûr, quelques hésitations et autres approximations trahissent certaines compositions. Le manque de moyens se fait aussi ressentir sur une production parfois un peu distanciée. Le chant n’est pas complètement maîtrisé et quelques ficelles un peu trop grosses ont été tirées. Mais ces quelques réticences ne plombent jamais la musique originelle d’Asobi Seksu. Privilégiant la noisy-pop aux futurs murs de guitares, les chansons semblent plus légères, parfois sirupeuses, preuve d’une attirance pour le romantisme cliché qui sait aussi rendre de bons services. Et surtout, le talent d’écriture et de composition du duo de tête était déjà bien présent en 2004. Si les chansons paraissent parfois un peu trop ceci ou pas assez cela, c’est plus lié à leur tenue vestimentaire qu’à leur propre nature. Des titres comme “I’m Happy But You Don’t Like Me”, “Asobi Masho” ou “Umi De No Jisatsu” possèdent une personnalité en acier trempé avec leurs riffs joués par Godzilla, leurs mélodies caractérielles et leurs refrains casse-brique. On reste même ébahi par la maturité d’un morceau comme “Walk On The Moon” qui tâcle sauvagement R.E.M. par derrière.

Il est en cela intéressant de découvrir un groupe par son deuxième album, ce légendaire Cap Horn de toute carrière débutante, surtout quand ledit album est à ce point énorme. Car c’est libéré de toutes les réticences et de tout le fiel de ceux qui attendent la chute que l’on remonte le cours de l’histoire, avec pour seul espoir celui d’être au minimum surpris. Et Asobi Seksu fait bien plus que surprendre, il ravit.

Définitivement nous tenons là un groupe en passe de devenir incontournable, à la condition de canaliser un peu mieux la voix de Yuki qui peut parfois irriter lorsqu’elle chante dans sa langue natale. Et surtout à la condition de ne pas lâcher prise dans cette volonté de faire fondre les murs d’enceintes et rompre les digues du passé en s’asseyant sur les références.

Lire également :
– l’interview d’Asobi Seksu
– La chronique de Citrus

– Leur MySpace