Longtemps cantonné à la seconde marche du podium, le quatuor de Brighton explose sur ce grandiose troisième opus et s’impose comme l’un des plus beaux joyaux rock de la couronne britannique. Mélodique, ambitieux, et fervent…


Alors comme ça être rock en 2008 ne serait plus qu’une mauvaise blague entretenue dans le Courrier des lecteurs d’un certain mensuel rock ? A ceux bernés par cette pathétique mascarade, reprenez-vous, il serait judicieusement avisé de fixer son attention de l’autre de côté de la Manche, Brighton. Posté face à l’horizon, British Sea Power, fleuron de la flotte rock britannique ne demande qu’à en découdre, repartir au front et servir avec honneur ses valeurs. Le quintet conduit par les vaillants commandeurs Yan et Hamilton (respectivement Scott et Neil Wilkinson) ont un nouvel album qu’ils défendront corps et âme. Son titre d’ailleurs interpelle : Do You Like Rock Music ?. La question n’en est pas une, elle relève de l’évidence, de l’artefact, comme une profession de foi lancée à l’audience. “Take It or Leave It”, c’est cela même dont nous parlaient les Strokes

On ne les a pas vus arriver. BSP, jusqu’ici second couteau du revival post-punk anglais (deux albums qui ne nous avaient que partiellement ralliés à leur cause) vient de frapper un grand coup. D’où le choc procuré à l’écoute de ce définitif Do You Like Rock Music ?, de loin leur plus impressionnant ouvrage. Tout ici sonne cent fois plus fort que lors des épisodes précédents. Pour atteindre cet état extatique, on raconte qu’ils ont bravé les tempêtes de neige du Canada (les guitares ont été enregistrées au mythique Hotel2Tango à Montréal, et cela s’entend) et chassé l’ours en République Tchèque… Après vérification, il s’avèrerait que c’est l’inverse, mais c’est bien connu, tout le monde préfère les versions romancées.

De retour en Angleterre, le quatuor aurait investi Fort Tregantle, une vieille forteresse abandonnée, et répété dans des conditions d’état de siège. Cette atmosphère tendue sous les bombes est palpable tout du long de ces douze invectives rock. On nous rejoue carrément la course épique de chars de Ben-Hur : mise en scène virtuose, décor grandiose, duel d’instruments titanesques (claviers vintage, cuivres solennels, irruption shoegazing). “Lights Out for Darker Skies” ne fait pas de quartier avec son introduction de guitare conquérante, si intrépide qu’elle siffle dans le vent. En prenant d’emblée de la hauteur, BSP veut maintenir côute que coûte l’altitude quitte à se brûler les ailes en plein vol : “No Lucifer” tellement débonnaire et surchargé d’électricité à la fois, “A Trip Out” et son gimmick de guitare béni par Joe Strummer, quant au single “Waving Flags”, enfin, il sera leur hymne. Une ferveur immuable habite ce disque, de cette exaltation qui touche à l’état de grâce. Entraînés par leur démesure, les frères Wilkinson ont signé un grand disque, fêlé, un peu fou sans quoi rien n’est possible. De la trempe d’un Bossa Nova ou d’un Funeral.

Aux dernières nouvelles, sur la plage de Normandie, on commence à se faire du mouron, des bruits effrayants nous parviendraient des côtes anglaises. L’heure de la charge va sonner. Vivement que British Sea Power rétablisse l’ordre.

– Le site de British Sea Power