Il aura fallu attendre que monsieur Zimmerman lui rende hommage dans ses Mémoires pour que feu Karen Dalton sorte enfin de sa pénitence anonyme. Sa réhabilitation publique tardive, quoique salutaire, nous rappelle l’ampleur du gâchis. Ainsi, la vie n’a pas été tendre avec cette chanteuse interprète de sang cherokee, tiraillée par ses tendances autodestructices : accro aux drogues et à l’alcool, santé fragile, elle abandonnera son enfant… Figure sixties de la scène folk de Greenwich, elle n’enregistrera que deux uniques albums constitués de reprises, confidentiels, puis disparaitra dès le début de la décennie suivante et ce jusqu’à sa mort, en 1992. Et voilà que sont déterrés ses enregistrements miraculeux (il n’y a pas d’autres mots), tirés de concerts donnés dans un club de jazz à Boulder, Colorado. Plus de quarante cinq ans nous séparent de ses Loop Tapes. La qualité du son est précaire mais lui procure ce pouvoir d’attraction des vieux disques de blues. Peut-être aussi que le parfum de protest-singer qui imprègne ces années-là y apporte également de sa patine. Le répertoire est essentiellement constitué de chansons traditionnelles et reprises de monstres sacrés (Woodie Guthrie, Fred Neil, Leadbelly… ). Juste une guitare, un banjo, et cette voix voilée qui semble porter toute la misère du monde sur ces épaules, en nous donnant le vertige. On est happé dès “It’s Allright” de Ray Charles, décharné et abyssal, on ne lâche pas, elle non plus. Que Karen Dalton repose enfin en paix, de Cat Power à Joanna Newsom, en passant par Alela Diane, une nouvelle génération a repris le flambeau. Mais elles lui doivent tant…

– Le site du label Megaphone Music