Sans ménagement aucun, Eric Earley et ses comparses nous agrippent la main, filent à tombeau ouvert, cheveux au vent, direction le soleil…. offrant un panorama américain d’exception. En route…


A l’instar de sa musique, le crescendo de Blitzen Trapper est singulier, composé d’hésitations, de moments d’euphorie, de virages déterminants. Un parcours à première vue classique mais qui apparaît, de nos jours, quasi romantique car toujours plus excitant que les réussites express montées de toutes pièces par MySpace & co et que l’on nous sert à longueur d’année.

C’est l’histoire d’un groupe, fierté de Salem, capitale de l’Etat d’Oregon, connu avant 2003 sous le nom de Garmonbozia (un clin d’oeil à Lynch ?). Des amis qui tentent d’exister dans une ville pas forcément fertile culturellement parlant. Le lycée achevé, direction Portland avec cette fois-ci une scène indépendante bien implantée et en plein essor (Dandy Warhols, Sleater-Kinney et Stephen Malkmus). Devenue Blitzen Trapper, la petite troupe s’affaire et sort deux disques autoproduits. Le premier est sans génie. Le second, Field Rexx, porte déjà en lui les prémices d’un avènement, avec sa collection de friandises pop-rock bricolées. Néanmoins, il ne fut pas aisé pour ces six garçons de s’extirper du carcan local, de se faire connaître par-delà les frontières de leur Etat.

Wild Mountain Nation répare cette incongruité. Avec des morceaux taillés entre folk, pop et rock et lorgnant souvent du côté de la country, l’opus séduit dès la première écoute et a un agréable goût de « revenez-y ». Blitzen Trapper laisse l’étrange impression d’être sur un fuseau horaire différent, de nous offrir, depuis leur nord-ouest, une enclave mélodique sudiste. Un héliotropisme musical en quelque sorte. Et ce dès l’entame avec “Devil’s A Go Go”, ses guitares arides et leur rythme que l’on croyait impensable, ou avec la ballade “Wild Mountain Nation”. Au détour d’un couplet, d’une mélodie, on dirait que Neil Young ou Bob Dylan sont invités. Inspiration encore sudiste, façon O’Brother, sur “Wild Mtn. Jam”. Ce sont ensuite les Shins qui sont convoqués à la barre pour le souriant et ludique “Futures & Folly”. Après les expéditions plein sud, “Summer Town” s’impose comme une halte nécessaire, un appel d’air frais et revigorant : Eric Earley y chante magnifiquement, avec une application remarquable, porté par une guitare coulant comme une rivière de montagne.

Fantasmée ou feinte par de nombreuses formations, la prise de confiance du groupe en l’espace de trois albums impressionne. Blitzen Trapper est mûr pour se promener, regard bandé, au bord du précipice. Virevoltant entre les genres sans arrière-pensées, foulant au pied toutes les grilles de lecture musicales (écouter le dément “Sci-Fi Kid”). Mais malgré cette course effrénée, ils ne relâchent pas l’attention, ne se perdent jamais sur la carte, s’attachant toujours à assaisonner délicatement leurs créations de petits collages, délicats méandres musicaux. Wild Mountain Nation, expression d’une exubérance, d’un affranchissement, d’une conviction (« Croire au soleil quand tombe l’eau » disait Aragon), est une véritable réussite et une étape de plus pour ce groupe que l’on reverra à coup sûr, encore plus près du soleil.

– Le MySpace de Blitzen Trapper

– Le site de Blitzen Trapper