Attention, ce disque n’est pas une anthologie du rock américain dans toutes ses variantes tel qu’il était joué en 1969. D’ailleurs, pas sûr qu’en 1969 les parents de ces musiciens étaient nés.


Après un buzz plus que conséquent sur la Toile, The Willowz, quartet mené par Richie James Follin et Jessica Anne Reynoza, arrive enfin à nos oreilles. Jusqu’à présent, l’intérêt porté à ce groupe précoce (une petite vingtaine d’années au moment où vous lisez ces lignes) restait cantonné à quelques visites de courtoisie sur leur page MySpace au fil de chroniques bloggueuses un poil dithyrambiques, mais l’excitation ne dépassait que rarement le stade du trépignement de talon. Chautauqua, pour le coup, réveille sérieusement les foules et commence à ressembler à l’idée qu’on se fait d’un vrai bon album de rock’n’roll, un putain de disque de rock’n’roll, même.

The Willowz a une obsession, le rock américain à guitares. The Willowz a une lubie, dès que les amplis s’allument, le groupe est mentalement propulsé à la fin des années 60, juste avant l’explosion flower power. Résultat, de garage en folk, de psychédélisme en country, tous les genres auxquels il est possible d’accoler le qualificatif rock sont revisités. Vision pour le moins étriquée s’il en est, mais tellement dans l’air du temps. Ainsi, MC5 et les Stooges se tirent des bourres, chronométrés par le Neil Young de Everybody Knows This Is Nowhere. A cette époque, les guitares ne savaient pas encore s’arrêter à temps de ce côté de l’Atlantique, mais finalement ce n’était pas gênant. Et quand The Willowz remet le pied à l’étrier à cette musique bruyante, sauvage et si jouissive, il ne fait que suivre un cortège déjà long emmené par un autre groupe à voix mixtes, les White Stripes. Sauf que là où Jack et Meg commencent sérieusement à déconner avec leurs séances d’onanisme guitaristique, The Willowz recentre le débat et rappelle à ses aînés qu’égarement est souvent synonyme de barbant.

Chautauqua, sous son amoncellement de guitares heavy et d’hymnes fatigués, a le bon goût de posséder un lot de chansons robustes, mais pas encore complètement indestructibles. Si quelques erreurs de jeunesse plombent parfois le propos, comme quelques ponts écroulés, des notes un peu oubliées ou une batterie qui joue de temps en temps à côté, ce quatrième opus du combo californien rend plus qu’un hommage discipliné aux ancêtres. Il les fait revivre, leur redonne une millième jeunesse, et ce ne sont pas les approximations que l’on vient de recenser qui nous feront bouder notre plaisir puisque le jeu live est privilégié, comme à la bonne époque, procurant une puissance de feu colossale à ce rock barbare.

Ainsi, “Choose A Side”, “Nobody” ou l’inaugural “Beware” n’oublient pas de faire fondre le goudron sous leurs riffs apocalyptiques. Rythmique qui gifle, guitares massives, sous des apprêts franchement rustiques, la bande à Follin, la plupart du temps, a le bon goût de ne pas confondre lourd et lourdingue. Même si quelques déviances psyché ont la fâcheuse tendance à faire déborder la bière – interminable “Evil Son” -, la voix cris(s/p)ante du leader (un peu comme si Billy Corgan ne nasillait plus) confère une dose d’humour salutaire, aérant un garage qui commençait à sentir méchamment les aisselles.

L’explication réside dans le coeur même des chansons. Car si le quartet s’évertue à jouer le plus fort possible, il n’en a pas oublié pour autant l’écriture. Il y a de sacrées idées dans Chautauqua, et même de sacrés hymnes, solides et plutôt aboutis. Même quand ils jouent assis, amplis en rade, un bon vieux bluegrass qui tâche comme “Jubilee” (la bien nommée) ou un blues-rock nerveux tel “All I Need”, les petits protégés de Michel Gondry (il leur a offert une partie de la B.O. de Eternal Sunshine of the Spotless Mind, deux titres pour La Science des Rêves, signe la couverture du disque, et avait réalisé le clip de “I Wonder”) s’amusent comme des petits fous, et nous entraînent dans leurs ébats idiots. Le songwriting n’a pas disparu dans l’hommage vu par les Willowz, et c’est la grande nouvelle de ce disque.

Peut-être pas le meilleur album du genre depuis le début de cette renaissance infinie, mais un des plus proches dans l’esprit, digne petit frère de White Blood Cells. Et ça suffit à notre bonheur.

– Leur MySpace

– Leur site officiel