C’est bête, c’est méchant, et ça pue des pieds. Que demander de plus ?


Quand il s’agit de rencontrer la musique des Black Lips, il est préférable de connaître le contexte. Voilà donc des mecs capables d’aligner 12 concerts en trois jours, de jouer n’importe où, dans n’importe quelle position et dans n’importe quelle tenue (quand ils sont habillés). Et, détail important, prenant un plaisir certain à s’échanger vomi et urine. Nous voilà avertis, Cole Alexander et ses amis adorent l’académisme…

Et l’académisme en prend sérieusement pour son grade dans ce nouvel effort. Enregistré live, lié jusqu’à l’os dans le garage rock des débuts, Good Bad Not Evil est un album aussi exubérant que jouissif. Le quatuor d’Atlanta n’a donc qu’une idée en tête, celle du jeu, dans tous les sens du terme, et en premier lieu se jouer de l’authenticité. Quand les bons élèves se scarifient pour faire comme avant, les Black Lips avalent les lames de rasoir après les avoir élimées sur les cordes de leurs guitares. Tranchant et saignant, soit exactement le son de Good Bad Not Evil. Rustique et simpliste seraient les adjectifs qui dépeindraient le mieux leurs chansons.

Mais qu’à cela ne tienne, on sait combien il est compliqué de faire simple. Le minimalisme de la musique des Black Lips n’a rien de factice, ni de facile. Chaque chanson de cet album est même un tube en puissance. La sexy trash “O Katrina !”, “Navajo”, imbibée de mescal de contrebande, la lysergique “Veni Vidi Vici” (que n’aurait pas reniée un Lou Reed dans ses moments de débauche les plus extrêmes), soit quelques exemples de ces 13 compositions, vicieuses et néanmoins hautement addictives.

Derrière cet univers potache et gras du bide (qui n’a rien du decorum, on l’aura saisi) se cachent d’authentiques songwriters. Hymnes lance-flammes, production lapidaire, rythmiques soutenues, interprétation magistrale, rien n’est laissé au hasard chez Black Lips. Ainsi, les lèvres noires écumant de rage, Cole Alaxander, Joey Bradley, Ian St. Pe et Jared Swilley bichonnent leurs petits monstres, les aiment, les dorlotent pour les offrir sous leur plus beaux atours, mais sans tergiverser, sans traîner en longueur. Droit au but et direct au foie. Même quand il s’agit de rendre hommage à leur guitariste Ben Eberbaurgh, victime d’une O.D. en 2002, c’est sous les couleurs rassurantes de la country la plus agréable avec l’hilarante et perfide “How Do You Tell a Child That Someone Has Died ?”.

La country, au passage, n’est pas la dernière de leur victime. La musique des ancêtres de ces blancs-becs est régulièrement malmenée tout au long de Good Bad Not Evil. Tous ses versants sont épinglés au tableau de chasse du quatuor qui se nourrit de haricots secs à longueur de journée, boîte de conserve comprise. Même l’imposante figure de Johnny Cash voit son légendaire boom-chicka-boom allègrement piétiné pour un rendu jubilatoire – “Bad Kids”.

Une fois de plus il est démontré que la pose n’est qu’un élément insignifiant du rock. L’hédonisme n’est pas le seul moteur de ce groupe tordu et salace. Les quatre membres (encore vivants) de Black Lips sont d’abord de grands enfants, à l’humour certes malsain mais communicatif. Et qui aiment la musique par dessus tout, lui offrant tout ce qu’ils ont, jusque leur dignité. Pour un résultat épatant.

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