Le monde entier est-il stupide à ce point pour rester sourd à la pop langoureuse et intimiste de Radar Bros ? Qu’à cela ne tienne, les Californiens l’invitent généreusement dans un Auditorium de grand luxe. Le monde entier n’a plus d’excuse.


Il y a sur Terre des mystères insondables, des phénomènes qui dépassent l’entendement. Sans aller vers la physique quantique, l’étude des mouvements tectoniques ou les coulisses des salles de marchés, il suffit d’analyser l’indifférence générale dont fait l’objet Radar Bros depuis ses débuts au mitan des années 90. Purement et simplement inexplicable. Pensez donc, déjà le cinquième album pour la troupe de Baja, en Californie, et toujours besoin d’une lampe spéléo pour trouver une ébauche d’écho médiatique digne de ce nom pour un groupe d’une telle importance. Et pourtant, de Grandaddy à Midlake, en passant par Sparklehorse, ces hérauts de la pop folk américaine en soie ont tous une ardoise plus ou moins conséquente chez Jim Putnam. Faut-il que le trio paie son désir de suggérer ? Doit-il traîner comme un boulet son choix de pop atmosphérique à l’heure où les guitares sont avides de sang ? Radar Bros préfère les planeurs aux gros porteurs, les palmes au jet-ski. Avancer intelligemment, sans bruit. Qui peut leur en vouloir ?

Auditorium est d’ores et déjà un classique de la discographie de la bande à Putnam. Mêmes ambiances nébuleuses que sur les précédentes livraisons, des plumes en guise de cordes vocales, des pianos translucides, des guitares de satin. On a beau connaitre tout ça sur le bout des doigts, on reste la bouche en « O », bras ballants et larme à l’œil à l’écoute de ces nouvelles chansons. Car même si la musique de Radar Bros est limpide et instantanément identifiable, l’effet produit est identique à chaque nouvelle livraison. Le cœur s’emballe, le temps s’arrête et le monde n’est plus qu’une lointaine rumeur.

La grande force de Jim Putnam réside, comme souvent dans le cas de ces groupes fantastiques, dans une écriture rigoureuse et qui semble pourtant tellement évidente. Impossible d’isoler ne serait-ce qu’une composition tant l’excellence prévaut sur toute la longueur de l’album. Et puis il y a cette voix, noble et usée, comme en apesanteur au-dessus d’une ville dont le taux de pollution dépasserait tous les records.

Peut-être faudrait-il signaler un durcissement de ton sur quelques pièces, quelques riffs inquiets, génialement dosés, conférant une humeur bien sombre à cette musique qui respire habituellement l’hébétude. L’âge avançant, on sent bien qu’on n’en est plus à la déclaration d’amour simple et charmante. Le désarroi commence à percer, la solitude pèse sur les frêles épaules des musiciens. Et cette vulnérabilité assumée rend ces titres encore plus touchants. D’autant que la production maison est d’une précision stupéfiante, dosant chaque effet au micron près, et gommant au passage tout excès de lyrisme. Car, malgré un style qui glisserait bien vite vers l’emphase chez bon nombre de romantiques professionnels, Coldplay en tête, rien ne dégouline chez Radar Bros. L’émotion est toute entière portée par les chansons et leur simple exécution, jamais par le décorum.

Malgré tout, on sait qu’Auditorium rejoindra The Singing Hatchet, The Fallen Leaf Pages et leurs congénères, soit autant de merveilles cachées, au fond des bacs à soldes de disquaires sans scrupules. Mais cela n’effacera pas le bonheur brut ressenti à l’écoute de cette musique parfaite, comme toujours chez Radar Bros. Maudits soient les ignorants.

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-Lire également la chronique de The Fallen Leaf Pages (2005)

– Lire notre chronique de The Surrouding Mountains (2002)