La marque des grands musiciens, au-delà de leurs compétences avérées, réside également dans leur capacité à être de généreux passeurs de sons et d’humbles éclaireurs de talents ignorés. Il en va ainsi du contrebassiste William Parker, initiateur du présent trio axé autour du saxophoniste suédois Anders Gahnold, plutôt méconnu hors des frontières de l’Europe du Nord. Suite du précédent And William Danced (2002), aussi signé sur Ayler Records, The Last Dances est un nouveau témoignage des sessions enregistrées à Stockholm en Avril 2002, en compagnie du batteur Hamid Drake. On y (re)découvre sur quatre free dances d’envergure l’alto accompli de Gahnold, expressif sans recherche éperdue d’originalité ni cabotinage, encadré par une rythmique hors pair qui ne cesse de lui tourner autour pour mieux susciter à l’unisson son libre élan. Une proximité de point de vue rendue éloquente grâce à une prise de son très réaliste, qui met l’accent sur le caractère incisif des instruments. Comme en témoignent les soli successifs de Parker puis Drake à mi-morceau de “Oh Shit”, occupant tour à tour un espace physique défini avec exactitude, puis l’explorant dans toute sa profondeur de champ. A l’initiative sur “Slow Dance”, la contrebasse impulse plus loin les phrases de l’alto, gerbes d’éclatement contenues, soulignées en fond par une batterie pointilliste. Cette dernière retrouvera toute son arrogance sur le moment fort du disque, “Bow Dance”, morceau haletant où, après avoir déposé l’archet, Parker se livre à un face-à-face rythmique inquisiteur avec Drake, auquel assiste presque intimidé Gahnold. En conclusion, “Dusk” déploie un fil mélodique bluesy limpide, progressivement noué et dénoué au gré des poussées du saxophoniste, toutefois pas suffisantes pour, littéralement, emporter le morceau. A l’instar de cet album d’excellente facture, jubilatoire dialogue entre musiciens avertis, mais dont l’interaction semble au final dénuée de vrais enjeux.

– Le site de Ayler Records