Un des secrets les mieux gardés de la pop française entrouvre ses jalousies. Pas encore totalement habitué à la lumière du soleil, la lente ouverture au monde d’Arman Méliès se fait avec délicatesse mais, aussi, avec aplomb.


Il y a encore de belles raisons de croire en la jeune génération de chanteurs français. Certes, Arman Méliès n’est pas un nouveau venu puisque ce Casino, son troisième album, fait suite au superbe Les Tortures Volontaires qui avait déjà porté haut l’alliance entre une musique pop ambitieuse et la langue de Gérard Manset. D’ailleurs, le plus grand d’entre tous ne s’y est pas trompé puisqu’Alain Bashung en personne l’a convié, aux côtés de son ami Joseph D’Anvers (et pas loin de Manset justement), à collaborer à la composition de Bleu Pétrole sur deux titres, pour le résultat que l’on sait.

Casino marque un changement d’optique pour le parisien. Cet album est en effet intégralement composé en groupe, et ce sera aussi en groupe qu’il sera défendu sur scène. Du coup, les arrangements ne sont plus tout à fait les mêmes puisqu’on y entend une pop racée comme les Valentins, au hasard, l’avaient pensée. Arman Méliès lorgne aujourd’hui clairement de l’autre côté de la Manche, avec guitares caressées, cordes veloutées, et surtout claviers tempérés. Son univers se voit dès lors bousculé de l’épaule, titillé, provoqué même par instant. Ses chansons y gagnent en densité ce qu’elles perdent en lyrisme. On dirait vulgairement qu’elles ont du coffre. La mue leur va très bien puisque Casino se déroule d’une traite, navigant entre ballades mélancoliques et titres plus tristes mais toujours inventifs.

Les textes, quant à eux, demeurent dans la stricte tradition du chanteur. Entre poèmes enlevés et jeux avec les mots (et pas jeux de mots), Arman Méliès scrute toujours ses mêmes obsessions : solitude amoureuse ou non, temps qui passe, voyage initiatique – “Belem”, sensuelle mélopée aux pizzicati charmeurs -, jeux de dupes – superbe “Papier Carbone” – ou jeux dangereux. Seule nouveauté, Casino propose une reprise, et pas des moindres, puisqu’il s’agit d’“Amoureux Solitaires” d’Elli & Jacno, interprétée à sa sortie par la toute jeune Lio. Le traitement dramatique qu’il lui impose ne dénature en rien ce titre, lui rendant au contraire la couleur automnale qu’il n’aurait jamais dû camoufler.

On regrettera seulement le ton en permanence plaintif de son chant. Certes, il ne s’agit pas de rire ici, mais une tonalité plus distanciée n’a jamais desservi un texte grave. C’est peut-être le seul élément qu’il n’a pas su puiser chez Bashung. C’est d’autant plus regrettable que Méliès est doté d’une voix délicate et envoûtante. Les quelques choeurs qui traversent le disque accentuent encore plus ce défaut, à la limite du maniérisme.

N’empêche, Arman Méliès est un artiste ô combien passionnant, à l’aube d’une carrière que l’on devine brillante. D’ailleurs, la longue conclusion de “Diva” ouvre une porte alléchante, espérant qu’il saura à l’avenir exploiter la défloration de ce sentier électronique, fascinant à plus d’un titre, maintenant qu’on le sait apte à se métamorphoser sans se perdre.

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