Premier album onirique pour ces deux Suédois francophiles. Des Reveries qui n’ont pas fini de hanter, de leur douceur bienveillante et nostalgique, notre quotidien.


Daniel Högberg et Björn Synneby sont les deux musiciens compositeurs à l’origine de Pacific!, un duo qui soigne autant ses musiques que ses pochettes – signées par l’illustrateur Stéphane Manel. En un premier album, précédé de quelques maxis, Pacific! a rejoint la catégorie convoitée des groupes qui rendent la vie étonnamment plus facile, plus douce. Pour réaliser ce petit prodige, les Suédois distillent avec beaucoup de finesse une certaine nostalgie, à laquelle la plupart d’entre nous est immédiatement réceptif. Nostalgie des influences, qui couvrent tout autant le panorama de la musique électronique que le spectre du folk, ou des ambiances instrumentales, volontiers en mode mineur.

Il suffit d’écouter “Disappear”, avec ses nappes de synthé hypnotiques, bientôt ourlées d’arpèges cristallins de guitare, de xylophone, et d’une voix aérienne, fragile. C’est un peu comme si un songwriter folk – la voix du chanteur évoquant souvent Neil Young – se retrouvait projeté dans une ambiance feutrée aux accents électroniques. Pas forcément un habitué des boîtes à rythmes et des bruitages cosmiques, le chanteur s’adapte et apporte une note d’authenticité à ce microcosme un peu édulcoré. Avec “Sunset Blvd”, nous arborons la célèbre avenue californienne, dans une version surf digne des Beach Boys. Pacific! rend hommage à un certain rêve américain aux couleurs sépia, plutôt qu’aux signes extérieurs de richesse et autres détails « bling bling ». Nappes synthétiques aiguës, glockenspiel et choeurs angéliques : une ferveur toute hippie émane de ce titre insouciant, comme en témoigne l’incursion discrète d’un sitar. Quelques tourbillons de violons plus tard, l’auditeur se prend à redemander de ce folk un peu lunaire, naïf, débarrassé de toute mission mystique.

“Runway To Elsewhere” enchaîne avec un titre instrumental dominé par un leitmotiv sur clavier vintage, agrémenté de nappes de synthé et de « claps » des plus rétro. Un morceau intemporel, qui doit tout autant aux délirantes 70’s qu’aux impérieuses années 80. “Hold Me” s’inscrit également dans cet hommage à un héritage varié, avec la langueur d’un Supertramp sous neuroleptiques. Le texte, hautement répétitif – un seul couplet transformé en litanie – contribue à accentuer l’impression de nostalgie, vaguement anxiogène cette fois, qui transpire du choix des instruments et des harmonies.

Les quelques mesures d’ouverture de “Break Your Social System” nous transportent maintenant dans un club : un beat régulier, une basse tout aussi métronomique. Mais ces petits plaisantins de Pacific! ne vont pas jusqu’au bout de leur délire nocturne : des choeurs vaporeux, puis des pizzicati, et un entrelacs des deux voix prennent soudain le dessus. Ballade à la douceur communicative au titre pourtant ravageur, “Break Your Social System” appelle le fredonnement tout autant que la danse, même si les mouvements restent simplement esquissés. “Number One” emboîte le pas avec un clin d’oeil appuyé à New Order, sans doute une référence incontournable du groupe, comme sur le suivant “Hot Lips”. Nappes de synthé, basse et voix s’imbriquent à merveille sur une ballade qui doit faire rougir de fierté, sinon de jalousie, Bernard Summer.

Après ce morceau de bravoure – et accessoirement de transe nostalgique – Pacific! se montre sous un jour plus apaisé, pour deux titres aériens. Finie la moiteur des clubs, le duo laisse parler une certaine mélancolie, à grands renforts de psychédélisme habité (“Love Isn’t Always On Time”), de lapsteel et boîte à rythmes downtempo (“Sunrise”). On se passerait bien en revanche de “Poolside Bungalow”, sans grand relief. “Silent Running” nous réconcilie toutefois en douceur avec l’alchimie rétromoderne des deux hommes, grâce à un échantillon particulièrement exhaustif de leurs armes : xylo, arpèges, choeurs, lapsteel, trompette, moog.

Reveries est donc un concentré kaléidoscopique de ces petits plaisirs nostalgiques qu’on s’offre en rougissant. Car, sans être passéiste, Pacific! parvient à susciter chez l’auditeur la troublante sensation du « déjà vécu ». De quoi laisser rêveur en effet.

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