Le jour où Jack plaquera Meg et s’entichera officiellement de Brendan, sa vie aura une autre saveur (et la nôtre aussi du coup). Mais pour l’instant, il n’en fait toujours qu’à sa tête. Sale gosse, va.


La chose est entendue, Jack White est une star énorme, et à ce titre il n’aspire qu’à une chose : faire ce que bon lui semble. Et on peut lui faire confiance, il ne s’en prive pas. Comme par exemple réactiver à l’insu d’à peu près la terre entière son projet The Raconteurs, son super-groupe (mais faux groupe quand même, pour l’instant), le temps d’un deuxième album sorti à la surprise générale, sans annonce, pub ou autre teaser. Il faudrait d’ailleurs plus considérer The Raconteurs comme une amicale au sein de laquelle le grand échalas à la tignasse de jais a réuni son mega pote Brendan Benson, ci-devant songwriter méconnu et redoutable, et la section rythmique des Greenhornes en les personnes de Jack Lawrence (basse) et Patrick Keeler (batterie). Ainsi, après Broken Boy Soldiers, un disque hédoniste, récréatif mais dispensable, voici Consolers Of The Lonely.

Là, ça commence à devenir sérieux. Quatorze titres, des chansons longues et solides, et surtout à peu près tout le monde au micro. Jack White se serait-il adouci au point de reconsidérer sa position de chef incontestable (et incontesté) pour laisser plus de champ à ses complices et caresser l’idée de s’affranchir de son mastodonte The White Stripes qui ne fait guère plus jouir que ses propres guitares ? Car il faut bien le dire, cela fait bien trois albums que le duo Meg/Jack tourne à vide, avec de beaux soli de guitares et de trompettes, mais surtout avec une overdose de somnifères. Ayant tâté au vrai son d’une basse, à l’association de plusieurs guitares, et à la pop, aurait-il envie de se lancer un peu plus dans l’aventure ? Il doit y avoir de ça, tant Consolers Of The Lonely est nettement plus travaillé que Broken Boy Soldiers, plus produit aussi. Et résister aux compositions de Brendan Benson doit être une torture de l’esprit tant ce petit gars à la bouille de héros de série américaine pour ado sait trousser des mélodies limpides, aussitôt portées aux nues par sa voix si rassurante. Alors puisqu’il est le boss, il n’y a aucune raison pour ne pas réunir à nouveau son jouet.

Seulement voilà, toujours pour la même raison, il continue à imposer ses idées, au risque de piétiner d’autres bien meilleures de ses amis. Mais où a-t-il pu attraper ce goût grotesque pour les trompettes mariachis ? Est-il costaud à ce point pour que personne n’ose lui dire que c’est tout bonnement ridicule, comme cette boursoufflure “The Switch and the Spur”, ou sur “Many Shades of Black”, un slow old-school obligé de se fader cette verrue à vent ? Et enfin, comprendra-t-il qu’on n’a plus vraiment envie de ré-entendre Led Zep aujourd’hui ?

En fait, bien plus que The White Stripes, The Raconteurs lui permet de donner libre cours à ses passions, allant du hard le plus massif au garage 60’s, en passant par le blues qui fait mal. Ici, White s’amuse, et ses amis lui servent la soupe la plupart du temps. Et finalement, on n’arrive pas vraiment à lui en vouloir tant le personnage nous est sympathique. D’abord, Jack White est un guitariste hors pair. Mais aussi, et ça on le dit bien moins souvent, c’est un foutu chanteur de rock’n’roll, régulièrement génial quand il s’agit d’éructer. Et ici il ne ménage pas sa peine, quand il faut crever les tympans, c’est lui qui s’y colle – “Five on the Five”, monumental. Autre champ d’action où il est redoutable, le blues qui le voit vivre ses textes, tremolos et méchanceté de rigueur – “Top Yourself” et “Carolina Drama”, deux titres réellement magistraux.

Vous nous direz qu’on parle beaucoup de Jack Wite et très peu des autres. Tout juste. Il faut dire que si on entend quelques fois le moineau Brendan Benson lever la voix, c’est toujours pour ouvrir le chemin à son pote. Quant aux deux autres, ce sont de simples exécutants, brillants, certes, mais tout de même. Et c’est bien là le gros défaut de The Raconteurs, sur ce deuxième album encore plus que sur le premier. Si Benson avait un peu plus voix au chapitre, sa finesse mélodique alliée à la force de frappe de White et soutenue par la rythmique massive des deux autres (vous voyez, on les oublie vite) pourrait donner naissance à de véritables merveilles. Ici et là, on voit bien qu’il essaie de se mettre en avant, pour quelques moments de grâce. Mais c’est peine perdue…

Finalement, si Jack White se contentait d’être un peu moins boulimique, un peu plus prêteur et un peu moins envahissant, The Raconteurs pourrait être un super groupe, vraiment super.

– Le site officiel