Après la petite bombe hédoniste Transparent Things en 2007, les Anglais prolongent la partie fine avec un troisième album parfaitement dans la lignée, juste encore plus exhibitionniste.


Découverte electro-kraut de l’année 2007 pour les uns, énorme baudruche bobo-lounge pour les autres, Fujiya & Miyagi est brutalement passé de l’ombre des conteneurs trans-Manche aux projos fluos les plus puissants des boîtes de nuit européennes en deux pressions sur des tubes incendiaires. Une chose est certaine, pour diviser autant, c’est bien que Transparent Things, deuxième album d’un duo londonien à l’époque, amenait des néophytes sur des terres jusque là inconnues (des rockeurs sur des dancefloors, en gros), flux migratoire que les indigènes (les clubbers) voyaient d’un très sale oeil. Il n’y a pourtant pas grand chose dans la musique de F&M, une rythmique métronomique, économe mais addictive, une voix flemmarde, des guitares versatiles et des bleeps totalement ingénus. C’est peu, mais largement suffisant pour ravager le cerveau en toute impunité. Et au diable les querelles de clocher !

Honnêtement, nous étions à la fois impatients à l’idée d’entendre la suite, mais inquiets aussi, tant le risque de la redite était grand. Finalement, le groupe a trouvé sur Lightbulbs l’exact compromis, à savoir prolonger une recette redoutable sans perdre de son originalité. Avec un petit truc en plus qui fait mouche, et surtout qui saute instantanément aux feuilles : la rythmique s’est considérablement musclée, grâce notamment à l’intégration d’un batteur en la personne de Lee Adams (la formule trio avait déjà été éprouvée sur scène après la sortie de Transparent Things en GB grâce à l’arrivée de Matt Hainsby à la basse). Et voilà comment Fujiya & Miyagi, duo electro londonien — David Best et Steve Lewis en sont les membres originels — qui a séduit les nerds au point de leur faire aimer la danse est devenu un groupe electro-pop qui invitera les teufeurs les plus extrêmes à se rendre dans des salles de concert tout ce qu’il y a de plus traditionnelles.
D’entrée de jeu, le quartet met la barre très haut avec “Knickerbocker”, ce single dévastateur, parfait calque de “Ankle Injuries” (le titre qui ouvrait Transparent Things), avec ses quelques phrases répétées ad libitum, appuyées par la précitée rythmique qui joue à plein ici pour faire le lit d’une guitare rageuse, elle-même accompagnée dans sa course folle par des claviers impériaux. Déjà un classique imparable. Mais que l’auditeur zappeur n’ait crainte, ce coup de Trafalgar sera reproduit à maintes reprises tout au long de l’album — au hasard, “Pussyfooting”, délicieuse jusqu’au titre, promesse de chaudes nuits d’étreintes, ou la conclusion entièrement instrumentale, “Hundreds & Thousands”, le titre le plus sudorifère de l’album, placé là histoire de nous laisser sur les rotules.
David Best possède des talents gutturaux étonnants et s’amuse régulièrement à rouler des « r » de ci de là, faisant de sa voix un instrument à part entière — “Rook to Queen’s Pawn Six”, où la langue du chanteur tire des bourres avec les fla du batteur. De manière générale, la diction scotchée à la moquette de Best confère à l’album une nonchalance qui peut irriter les plus sérieux des mélomanes, mais qui n’a finalement d’autre vertu que d’encourager tout le monde à se laisser porter par les beats, orientant l’attention sur les rythmes, et rien d’autre. Ailleurs, c’est un simple claquement de doigts (assez complexe à reproduire, vous essaierez) qui vient donner le « la », sur la géniale “Pickpocket”, originale manière d’intégrer de l’humanité à une musique assez froide vue de loin.
Seul points d’ombre, les deux escapades vers des ballades innocentes, “Goosebumps” et, dans une moindre mesure, “Lightbulbs”, qui, en voulant amener du romantisme dans une musique essentiellement tournée vers la chose sexuelle (les textes sont assez explicites), ennuient assez rapidement tant le quatuor semble mal à l’aise en pyjama étriqué.

Finalement, ceux qui ont été échaudés par Transparent Things crieront à l’arnaque sur Lightbulbs, et les autres se délecteront une fois de plus de cette musique faite de rien, tellement évidente, et autant electro que près de l’os — du corps spongieux, plutôt. Laissons donc le dernier mot à Fujiya & Miyagi pour défendre cet album résolument indispensable à tout cerveau affûté doté de jambes énergiques : “Uh” !

– Leur site officiel