Quatre jeunes californiens ambitionnent de ressusciter la musique west-coast dans son jus. Anachronique mais séduisant.


Vu comme ça, The Donkeys n’est pas un groupe qui donne envie. Cheveux filasses, chemises hawaïennes, lunettes de surfeurs. Soit pas exactement l’idée que l’on a du rock’n’roll. En glissant la galette dans le lecteur et en entendant les premières mesures de “Gone Gone Gone” (ce titre, déjà), on a presque envie d’en rester là. Ces accords de guitare, cette voix sympathique et cette mélodie sirupeuse, on a entendu ça des milliers de fois, on n’a pas franchement besoin (ni envie, d’ailleurs) d’écouter un énième avatar de Love, Beach Boys ou America. D’autant que cet été fut celui où l’on se plongea corps et âme dans la réédition du grandiose Pacific Ocean Blue de Dennis Wilson, peu de chance pour The Donkeys de nous intéresser. Mais notre conscience ayant la main sur notre paresse, on se laisse porter par Living On The Other Side.

Sans être d’une originalité confondante, ce serait même plutôt le contraire, The Donkeys ne se contente pas de rejouer une musique qui plaira instantanément à des générations d’Américains, le folk west-coast. Les quatre jolis coeurs lui vouent plutôt un hommage sincère, lui offrant des mousses de mélodies, taillant des accords de six-cordes comme on coucherait un nouveau-né dans un hamac, à l’ombre d’un arbre séculaire.
Puis, progressivement, la musique de ces ânes qui n’ont rien d’idiots distille son effet, dévoile ses atours et déflore ses sources d’inspiration. Oui, cet incroyable solo dans “Dolphin Center” évoque (sans l’égaler) celui de “Vampire Blues”, l’un des multiples sommets de On The Beach de Neil Young. L’attention est définitivement captée, ne reste plus qu’à laisser le miel s’écouler paisiblement.

Ainsi, The Donkeys livre une musique archi-conventionnelle en ayant la bonne idée d’éviter les faux pas et les fautes de goût. Ce que cultivent les Californiens, c’est un penchant immodéré pour la tranquillité, la sérénité qui émane de longues ballades sans but au volant d’un cabriolet plus gros que la caravane qu’il tire. Ici une flûte distille un élixir relaxant qui nous prend par traîtrise, là un orgue Hammond accompagne les vols de pélicans face au soleil, la batterie invite le coeur à ralentir la cadence, et les guitares enroulent l’auditeur dans un paréo translucide pour le protéger de la brise crépusculaire. Ou alors, quand la troupe s’emballe, c’est toujours pour courir vers un moment de bonheur à partager, la publicité pour des cigarettes au paquet rouge et blanc n’est jamais très loin. Ces quatre gars assument parfaitement le fait de s’amuser, d’être heureux, et le chantent sans faux-semblant ni forfanterie. Ils ont visiblement suffisamment baigné dans ce cocon pour en connaître les moindres codas et en tirer des mélodies limpides, idéalement séductrices.

De temps en temps, pour une bonne mélodie west-coast, jouée dans les règles de l’art par les enfants de ceux qui ont inventé cette musique de la béatitude, même nés de l’autre côté de l’Atlantique, on marche les yeux fermés. Et des garçons qui ne veulent que le repos de notre esprit en livrant une musique sans conséquence ni prétention ne peuvent être que de bons copains, même s’ils se prennent pour des ânes.

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