Ce petit prodige va là où sa (dé)raison le mène. Une révélation explosive et une vraie claque à la morosité. Peut-être même le sauveur, allez savoir en ces temps troubles…


Finn, la simple évocation de ce nom doit faire frémir les plus tendres amateurs de la pop solaire de Crowded House, dirigée par The Big Mr Finn, Neil de son prénom. Il sera dit que le gène du songwriting classieux se transmet facilement aux générations suivantes. Car après Neil, voici son fils, Liam. Et à l’instar d’un autre fils de, Sean Lennon (rejeton de qui on sait), le jeune Néo-Zélandais ourle une pop vibrillonnante et immédiatement accrocheuse sur ce premier album solo en tous points magistral.

Les courants passent, le rock continue ses révolutions (un peu sur lui-même parfois), la pop se dilue dans une infinité de styles, et c’est toujours quand un simple quidam s’arme de sa guitare, tape du pied et chante dans son plus simple appareil vocal que notre colonne vertébrale est traversée de frissons en même temps que notre esprit décroche. Quiconque a craqué aux ritournelles de Josh Rouse, aux ballades de Ron Sexsmith ou à la totalité des chansons d’Elliott Smith saura de quoi il en retourne. Liam Finn est précisément de la trempe de ces grands noms du songwriting mordoré.
Emigré en Angleterre, Liam Finn a trouvé en la Perfide Albion l’inspiration qui lui manquait pour se raconter au travers de quatorze titres authentiquement organiques. Il lui a visiblement fallu ce déracinement non-imposé pour se retrouver avec lui-même et se livrer, s’observer à livre ouvert et formaliser ses grandes obsessions comme ses petites peines. Ces joies aussi, une joie ultra-communicative sur I’ll Be Lightening. Ce n’est que de retour chez lui, après trois ans d’exil, qu’il entre en studio pour graver sur bandes analogiques le résultat de cette instrospection. Et c’est d’ailleurs ce qui frappe d’entrée, ce son chaud et charnel que le numérique le plus puissant ne sait toujours pas reproduire. L’analogique comme la dernière étape de la confrontation avec soi, cette méthode souffrant difficilement l’approximation. Car c’est seul qu’il a écrit et composé ces chansons, c’est donc seul qu’il les joue — y compris sur scène.

Le résultat tient en ces sucreries arborant avec fierté la science de l’harmonie vocale, marchant la tête haute face au soleil. D’une “Energy Spent” cavaleuse à une “Second Chance” à la mélancolie entraînante, en passant par l’incendiaire “Lead Balloon” ou la cotonneuse “Lullaby”, on traverse tous les états d’âme (Eric) du songwriter avec aisance, se perdant ici au détour d’un gué, se couchant là dans l’herbe grasse, ou se couvrant d’une étole en laine miteuse, surpris par le froid du crépuscule, toujours accompagné de cet infatigable gamin. Liam Finn dévore avec un appétit insatiable tout le miel de la pop hyper-mélodieuse, qu’elle se décline dans sa version folk The Band ou au contraire qu’elle rende visite au spectre des Beatles de 1964. Il y a autant du Help ! que du Figure 8 sur I’ll Be Lightening, sans éviter un petit coup d’E(e)lectro-Shock Blues. Moderne parce qu’intemporel, voisin d’Elvis Perkins ou Robert Gomez autant que contemporain de Tim Buckley, c’est bien parce qu’il est impossible de dater ses références que l’on s’identifie aussi facilement aux chansons de Liam Finn.
Sa propre personnalité est malgré tout la grande force du jeune chanteur, offrant des compositions virevoltantes comme Zidane ferait une aile de pigeon avec une aisance déconcertante. Doté en outre d’un solide sens de l’arrangement, les quelques incursions de boucles s’incrustent à merveille dans les champs de blé qu’il cultive sous nos yeux ébahis, la pratique de l’over-sampling se révélant indispensable pour reproduire le plus fidèlement possible une musique aussi riche sur scène, et le rapprochant du coup d’un autre grand songwriter, Joseph Arthur.

Avec des comparaisons aussi prestigieuses, il serait dommage de ne voir en Liam Finn qu’un bon disciple. Il serait plutôt le nouveau membre d’une confrérie, finalement pas si imposante, réunissant des garçons qui rendent la vie plus belle dès qu’ils ouvrent la bouche. Ces troubadours vers lesquels on se tourne quand l’horizon s’assombrit tout autour de nous. Impérial.

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