Retour sur le premier album solo d’un membre émérite de l’Altra, sous le sobre pseudonyme de Costa Music. Quelques intrusions électroniques se chargent de voler dans les plumes, forcément duveteuses, de Joseph Costa.


On connaissait Joseph Costa pour sa participation au groupe l’Altra, formation de Chicago distillant une musique à l’élégance jamais démentie. Ken Dyber, Lindsay Anderson, Eben English et Joseph Costa composaient alors ce collectif qu’une réputation de fins mélodistes et d’arrangeurs inspirés précédait. Divagations oniriques, compositions vaporeuses joliment orchestrées, l’Altra donnait le la d’une certaine pop. Celle qui opte pour une attitude de contemplation créative, là où d’autres choisiraient une surenchère bruitiste confinant parfois au tapage nocturne. L’écoute de leur magnifique In The Afternoon, cet album au charme intemporel et au fort pouvoir évocateur sorti en 2002, rappellera à chacun les indiscutables talents de ces chicagoans.

Depuis Different Days en 2005, l’Altra se faisait plus discret. Certes, il y a bien eu quelques collaborations intéressantes qui n’auront pas échappé au mélomane averti : notamment la contribution sur le dernier album de Joshua Eustis de Telefon Tel Aviv, ou la sortie d’un album solo de la co-fondatrice Lindsay Anderson (If, 2007). Mais la production du groupe comme tel se montrait plus rare. Le projet Costa Music qui retient notre attention aujourd’hui, confirme l’envie croissante de ses membres de s’aventurer sur d’autres territoires.
Qu’en est-il de ces paysages lointains ? L’herbe est-elle réellement toujours plus verte chez le voisin ? Pas vraiment, car à l’écoute de ce Lighter Subjects, c’est bien en terrain connu que l’auditeur évolue, guidé par la présence fantomatique de l’Altra. Et si l’ouverture “As I Go Beneath” est ponctuée d’effets électroniques feutrés — dignes de ceux auxquels Tarwater nous a habitués — c’est bien la même grâce, la même justesse de composition que l’on retrouve avec bonheur.

Pour que la magie opère à nouveau, Joseph Costa a su réunir des collaborateurs confirmés : Joshua Eustis à la production, Mark Hellner — déjà régulièrement convoqué au sein de l’Altra — pour l’écriture conjointe de ces neuf compositions. À l’image du tourbillon de plumes qui virevolte sur la pochette — photographie de Joseph Costa himself –, il s’agit, une fois encore, de déjouer la pesanteur. Violoncelle, piano, xylophone aux sonorités cotonneuses, textures électroniques côtoient les plus traditionnelles guitares et batterie. La tonalité de l’album s’appuie sur une progression downtempo, au service d’un panel varié d’émotions qui s’étend de la mélancolie la plus prégnante (“Snows”) au sentiment esthétique le plus évanescent (“The Long Passing”). Et Costa Music de divaguer dans les méandres d’un paysage émotionnel déjà parcouru par David Sylvian ou Perry Blake : comme ce somptueux “Canary Landscape” en version 16/9. L’envolée jubilatoire de la batterie s’allie aux digressions d’une slide-guitare toute flegmatique, matérialisant une vaste étendue où les cliquetis électroniques sont autant de lucioles aléatoires. La place parfois laissée au silence, via une architecture rythmique qu’une instrumentation enrobe à peine, confère aux pistes l’humilité d’une ballade folk tout autant que la puissance d’évocation propre aux musiques atmosphériques (“Snows”, “Southern States”).

Lighter Subjects fait partie de ces disques à haute valeur (affective) ajoutée. Un peu comme l’élève timide auquel on ne prend pas forcément la peine de parler, il révèle peu à peu une personnalité attachante, malgré toute l’humilité qui le caractérise. La finesse de l’orchestration, le souci des ajustements infinitésimaux, la langueur des compositions sont autant d’atouts qui provoquent l’intérêt, ou à défaut, la sympathie. Et finalement, c’est bien là le lot de tous les timides.

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