Un disque sans pedigree de la part d’un groupe banal. Et pourtant, en quête de simplicité et de modestie, on se laisse prendre au jeu bien volontiers.


Quatrième album pour ce quintet de Toronto, Kensington Heights est un disque rustre et sans concession, porté par des guitares lourdes comme des armées de sabots, une production décharnée et surtout guidé par la voix du leader Bryan Webb, une voix plaintive et écorchée, une voix de fumeur au lendemain d’une grosse bringue. Pas de décorum, pas de frisotis ni de dentelle, Webb et ses comparses, Dallas Wehrle à la basse, Will Kidman aux claviers, Doug Mac Gregor en batteur martial et Steve Lambke à la guitare, ourlent un rock tonitruant et douloureux. Sans verser dans le métal, on lorgnerait plutôt ici vers les déroulés ras du bitume de Steppenwolf ou les saillies sans retour comme en ont livrées les immenses I Love You But I’ve Chosen Darkness.

Les Constantines, s’ils ne brillent pas par leur originalité, savent faire hurler leurs guitares, maniant parfaitement les creusets bouillonnants des usines sidérurgiques les plus dangereuses, ne faisant que très rarement le tri entre métaux précieux et limaille. De cette science du rock massif et primaire, le quintet explore plutôt le rock sudiste que les belles envolées lyriques et/ou joyeusement cacophoniques choyées par la plupart de leurs contemporains/concitoyens. A ce titre, s’ils partagent le label des trublions Broken Social Scene, ils n’ont rien en commun musicalement. Il faut ici, au passage, souligner la vivacité et l’éclectisme de cette scène canadienne que l’on ne cesse d’honorer à longueur de chroniques. Mais revenons à nos bouilleurs de cru.
A rock cradingue, textes ad hoc. De fait, Bryan Webb est un auteur averti, dépeignant autant ses tourments d’homme en cours de maturation que de citoyen inquiet face à une humanité en permanente perte de repères. Mais que ceci ne rebute pas le quidam, Webb n’est ni poseur, ni donneur de leçon, ni poète maudit, mais un simple observateur de son époque, utilisant des mots simples pour des phrases limpides souvent personnelles et plutôt touchantes.

Le bruit et la fureur ne faisant pas tout, Kensington Heights souffre toutefois de quelques longueurs, notamment lors des plages plus calmes qui donnent à entendre tantôt des mid-tempi un peu étriqués, tantôt des ballades romantiques taillées pour les auto-radios des énormes trucks traversant le continent nord-américain de part en part. Il n’y a aucune tromperie sur la marchandise, ces petites guimauves attestent définitivement que Constantines navigue dans des marécages bien connus et signalés sur tous les GPS. Notons, d’ailleurs, combien dans ces moments la voix du chanteur évoque de façon troublante David Gilmour.
Si les Canadiens livrent un disque qui n’a rien de déroutant, quasi consensuel et perclus d’honnêteté, ils n’ont toutefois pas à rougir de leur rock de seconde zone de très bonne tenue. Après tout, on continue à respecter, à juste titre, un groupe comme Madrugadda qui n’a jamais dévié d’un iota et qui use et abuse de l’éternelle combinaison grosses grattes/grosse voix/grosse batterie, le tout en perfusion sur des amplis Marshall. En somme, du rock, ni plus, ni moins.

– Leur MySpace