En juin dernier, la pianiste Eri Yamamoto, qui a d’abord étudié la musique classique à Osaka avant de jouer du jazz, sortait en tant que leader un intéressant Duologue qui la voyait dialoguer successivement avec les batteurs Hamid Drake ou Federico Ughi, le saxophoniste Daniel Cartier et le contrebassiste William Parker. À travers ces tête-à-tête, la musicienne donnait à entendre un format de trio fragmenté en plusieurs apartés instrumentaux étroitement imbriqués, bien que dominés par une liberté d’expression propre (notamment rythmique). Avec Redwoods, Eri Yamamoto opte de nouveau pour une formule à trois, avec David Ambrosio à la contrebasse et Ikuo Takeuchi à la batterie, mais l’échange confrontant en même temps l’ensemble des protagonistes se montre cette fois-ci moins convaincant. Assurément, la mise en parallèle des deux albums ne joue pas en faveur du second. Cela, au moins pour deux raisons. Tout d’abord, la paire rythmique Takeuchi/Ambrosio semble sur disque ne pas déployer tout son potentiel (par rapport à ses prestations scéniques s’entend, cf. plus bas) et hésite à bousculer un certain ordre établi (y compris sur un morceau enlevé comme “Bottled Water Princess” qui ne manque certes pas d’impact physique mais se développe selon un schéma harmonique par trop prévisible pour lui offrir un champ d’action vraiment aventureux). Ensuite, dans ce contexte archi-visité du trio, les compositions de Yamamoto peinent à se défaire d’un lyrisme empreint d’une naïveté dommageable, pas éloignée d’une forme de contemplation béate. De toute évidence la pianiste virtuose, dont le jeu d’une grande sensibilité évoque plus d’une fois celui de Tommy Flanagan ou Keith Jarrett, affectionne les mélodies limpides et les thèmes dépouillés, l’angularité éventuelle de ses phrases étant systématiquement temporisée par son souci patent de lisibilité — finalement moins manifeste lorsqu’elle joue aux côtés de William Parker. Reconduit sur la longueur de l’album, un tel dessein s’avère au mieux agréable, au pire soporifique.

– Le site de Eri Yamamoto
– Le site de Orkhêstra