Des New Yorkais se sont juré de nous faire vriller les tympans en provoquant une caldera shoegazy lugubre et racée. Drone de vacarme.


A Place To Bury Strangers. Avec une telle déclaration d’intention, ce power trio donne le LA d’un rock sans retour, viscéralement ténébreux. D’ailleurs, ce pauvre diapason a fait les frais de lourdes radiations, sujet à des températures insupportables, proches de l’état de la lave en fusion. Et pour cause, nos trois funestes croque-morts, Oliver Ackermann (guitare/chant), Jono MOFO (basse) et Jay Space (batterie), mijotent l’un des magmas noisy rock les plus excessifs entendus depuis… depuis… My Bloody Valentine ? Il est vrai que les influences, flagrantes, jouent pour beaucoup dans ce jugement. Ceux qui n’ont pas eu la chance de voir le ventre rondouillet de Kevin Shields au Zénith peuvent sécher leurs larmes dans les bras de ces nouveaux prétendants.

Nous étions prévenus par les blogs US de la côte ouest, A Place To Bury Strangers passe pour être le groupe new-yorkais le plus puissant du moment, avec les avantages et les inconvénients qui incombe à un tel titre. Et leur réputation n’est pas galvaudée. Nul doute que leurs déflagrations scéniques aux Eurockéennes l’été dernier et cet hiver près du quartier parisien d’Oberkampf, ont causé des acouphènes irréparables chez une audience qui n’a pas dû comprendre ce qui lui arrivait. Votre serviteur lui même en a fait les frais, ses oreilles se remettent à siffler au simple souvenir de leur dernière venue parisienne.

Mais nous les avons déjà tout excusés. Comprenez bien qu’il faut déployer un conséquent mur du son pour atteindre ce summum de distorsion extatique, cette éruption colorée de guitares acides et diffractées. Bien entendu — c’est le cas de le dire — le trio fouille dans les décombres du shoegazing : Jesus & Mary Chain, My Bloody Valentine donc, et à peu près tout ce qu’à pu produire Alan Moulder entre 1989 et 1994, font écho sur ce premier album. Lorsque retentit l’introduction tambourinée de “Don’t Think Love”, dont le décalque accuse l’indétrônable Loveless, on se laisse finalement prendre par ces successions de nappes réverbérées ondoyantes et le chant sous-marin d’Ackermann, d’où s’extirpe une mélodie vibrante. Oui, une mélodie digne de ce nom.

Certes, APTBS abuse des fréquences aigües, et s’en joue même. La section rythmique, souvent en peine dans les égaliseurs — bien qu’objectivement, la production se veut ainsi — prête tant bien que mal le flan à cette condescendance des guitares. Des nuées ardentes d’effets compressés se superposent, deux, trois, quatre, voire cinq pédales enclenchées, dans une avalanche d’ultra sons à rendre un chien raide mort. Contre toute attente, cette ode à la dissonance contribue à les démarquer du peloton de simples suiveurs. L’apport d’incursions électroniques et de boîtes à rythme offrant même une vigueur inédite au genre, comme sur le quasi-industriel “To Fix The Gash In Your Head”. Sans compter sur l’esthétique cold wave tenace, formant ombrage sur de sinistres pop songs telles que “Ocean”, (très Cure période Disintegration) ou l’effusive “The Falling Sun”, dominée d’une voix d’outre-tombe par Ackermann.

Mais c’est en lisant l’histoire du groupe que l’on détient la clé d’APTBS. Dans l’ombre de son poste de frontman, Oliver Ackermann fabrique des pédales d’effets reconnues dans le milieu des guitaristes. De U2 à Lighting Bolt en passant par My Bloody Valentine (tiens, tiens…) nombreux sont ceux à avoir déjà passé commande de ces fameux détonateurs soniques. A Place To Bury Strangers serait de ce fait un laboratoire, là où le bidouilleur Ackermann peut donner libre cours à ses délires « pédalistiques ». Sans limites.

– Le site officiel

– Pour en savoir plus, la page volcan de Wikipedia

– Lire également notre entretien