« Aérien avec des ciels roses », ainsi Yuki Chikudate décrit-elle ce troisième opus. Hélas, ce ciel-là est en demi-teinte, malgré quelques éclairs foudroyants.


On ne saurait cacher notre semi-déception à l’écoute de ce troisième opus du désormais duo de Brooklyn — définitivement fâché avec sa section rythmique après moult changements. Difficile de résister à Citrus, ce spectaculaire feu d’artifice shoegazin’pop détoné en 2007, mille-feuilles mélodique tout en surcouches d’harmonies noisy enchanteresses… Un rêve éveillé pour tout amoureux de distorsion harmonique (avec Loveless en bout de flèche de Cupidon).

Lors d’une rencontre déroulée à l’hiver 2007, le virtuose au manche de guitares fondues James Hanna (guitare/chant) et la geisha new-yorkaise Yuki Chikudate (chant/claviers), nous confessaient en avoir assez des déflagrations shoegazing et souhaitaient à l’avenir goûter aux effusions voluptueuses de la reverb (d’où le titre manifeste Hush, silence). Pris à témoin de cette nouvelle orientation, Asobi Seksu pouvait-il tutoyer l’excellence d’un Disintegration, cette pierre angulaire d’onirisme rock ? Dotés d’une solide identité malgré le poids des références, nous les en pensions sérieusement capables. Hélas, Hush ne satisfait qu’à moitié nos attentes.
Ce troisième ouvrage, aussi travaillé que les précédents soit-il, laisse perceptiblement entendre que son élaboration n’a pas dû être de tout repos. Même si Asobi Seksu aspirait à davantage d’épure sur les compositions, Hush relève du sudoku non solutionné. Si les claviers d’obédience « electron-pop » s’affichent dorénavant supérieurs en nombre sur les guitares phosphorescentes — signant la prise de pouvoir de Yuki Chikudate — le duo, comme perdu, peine à reconstituer les pièces de son propre puzzle, voire distinguer ses splendeurs ébauchées ici et là.

Là où Citrus équilibrait quelques expérimentations par le subterfuge d’accélérations mélodiques, aussi inattendues que fulgurantes, Hush perd généralement pied. Le vide d’une section rythmique digne de ce nom (au point mort depuis Citrus), qui aurait pu consolider certaines compositions un peu à la traîne, se ressent. Ainsi se détache de certains titres décevants des passages pourtant proprement sublimes : l’hallucinante déferlante de choeurs surgissant sur le finale de “I Can’t See” (co-chanté par James Hanna), ou “Sunhower”, poussée de fièvre synthétique dans son dernier tiers, ou encore cette accélération de tempo sur “In The Sky” suggérant l’effet d’une machine à remonter le temps. L’agencement du tracklisting lui-même complique la lisibilité du disque : quid de “Risky and Pretty” interlude atmosphérique de 40 secondes égaré au milieu de l’album ? Et pourquoi ouvrir les hostilités sur “Layers”, qui décolle mollement sans passion ? Sans compter sur “Gliss”, monotone tentative electro « pop de chambre », à ranger au placard.

Tout n’est pas parfait dans ce troisième essai, malgré tout Hush réserve encore quelques belles surprises incandescentes : le single imparable “Me & Mary”, “Familiar Light” (où la voix troublante de Yuki Chikudate file le vertige) et “Sing Tomorrow’s Praise”. James Hanna, qui n’a pas pour autant rangé son maousse pédalier d’effets, édifie d’impressionnantes giclées dissonantes : l’explosion toute en apothéose de “Meh No Mae” qui, du coup, sauve la moitié de ce morceau jusque-là somme toute quelconque. Et puis “Blind Little Rain”, épilogue aux arrangements innocents très référencés « Back To Mono ». Un autre duo aurait pu s’accorder les crédits du morceau sans honte : The Raveonettes.

Reste que si l’écoute de Hush fait germer une certaine frustration, le crédit que nous portons à ce duo surdoué n’est étrangement pas remis en question. Car il perdure quelques mélodies emportées du plus bel effet.

– Lire également l’entretien (novembre 2007)

– Lire également la chronique de Citrus (2007)

– Lire également la chronique d’ Asobi Seksu – S/T (2008)