Nombreux sont les points communs entre la musique ambient et le post-rock : dilation temporelle, linéarité harmonique, construction mélodique sous forme de couches sonores ressassées, fort caractère évocatoire (océanique pour la première, plus tempétueuse pour le second). The Fun Years, duo new-yorkais composé de Ben Recht à la guitare baryton et Isaac Sparks aux machines et platines, s’attache précisément à joindre, sinon (con)fondre l’un et l’autre, à saisir ce point de stase puis de basculement chaotique, ce bourdon qui ne semble jamais devoir finir et laisse tout de même percer les arpèges bien distincts d’une guitare haletante, puis les riffs rampants qu’elle génère, bientôt dilués à nouveau dans l’éther et les craquements d’un vinyle originel (“The Surge Is Working” qui réveille le fantôme shoegaze de My Bloody Valentine). Minimaliste, la musique de The Fun Years n’en demeure pas moins profonde et énigmatique, comme en atteste leur second album, Baby, It’s Cold Inside, sans conteste une réussite majeure dans le domaine de l’ambient noise contemporaine — d’autant plus estimable que leur premier opus, Life-Sized Psychoses (2007), ne laissait pas transparaître une telle singularité. Si les éléments sonores utilisés (bruits parasites épars, réverbération, strates de guitares brumeuses, pluie de sonorités instrumentales échantillonnées) ne dénotent pas vraiment par rapport à ceux choyés par certains proches confrères (Fennesz, Tim Hecker, Philip Jeck), en revanche leur agencement participe d’une mise en scène musicale des plus inventives. Jamais immobile, cette musique se construit à partir de micro-événements sonores accumulés qui créent un mouvement évolutif (une sonorité engendre dans son sillage une autre sonorité), tantôt centrifuge ou centripète, par juxtaposition ou évidemment de matières (les notes d’un piano subitement esseulé à la fin de la troisième plage), l’émergence ou le triturage d’une mélodie. Résulte une musique oxymorique qui voit se dégager, au fil des minutes, une chaleur froide, un tumulte apaisé, une obscurité lumineuse, une brume terreuse, et un monde immersif constamment passionnant.

– Le site de The Fun Years
– Le site de Barge

– « My Lowville » :