Après le grandiose Afraid To Dance, l’attente du nouvel album de Port-Royal n’a jamais été aussi longue et insupportable. Flared Up est peut-être là pour remuer le couteau dans la plaie.
On avoue nourrir une certaine méfiance à l’égard des albums de remix. Ils nous apparaissent vides la plupart du temps et très loin de la sensibilité des morceaux originaux. Si en plus la musique reprise est celle de Port-Royal, la méfiance est double, sans pour autant rester indifférent dû au respect qu’inspire le son de cette merveilleuse formation italienne.
Port-Royal est l’un de ces points lumineux, brillants et intenses de la constellation musicale. Telle une source jaillissante, leurs compositions font éclater les émotions jusque-là enfouies, et les images qui vont avec. Les tableaux de nos souvenirs s’animent avec la légèreté des rythmes et se confondent dans les profondeurs de l’esprit, pour laisser la place à cet état d’âme aérien et si fragile. Flared Up tente autrement de nous approcher de cet état avec des musiciens qui vont reprendre le brillant Flares de Port-Royal. Tout près de l’abîme, la possibilité d’une chute n’est qu’effrayante ; mais c’est aussi une source, une source d’écriture et de création.
On utilise bien le terme reprendre car on estime que l’ambition de Flared Up, plus que de remixer des morceaux, est de chercher « ce qui touche » dans chaque composition et de le travailler. Et c’est sous cette optique que l’écart entre les morceaux prend tout son sens. Un « Karola Bloch » s’éclate sous l’oeil de Manual, de Dialect ou encore d’Opn, change de rythme et de couleur, sans pour autant perdre de sa profondeur originelle. Le pari est peut-être moins réussi pour « Spetsnaz » par Stafrænn Hakon et Skyphone qui insistent plus sur la forme que sur le fond. Ces derniers sont la preuve vivante que manier l’émotion Port-Royal n’est pas aisée. Par ailleurs, « Jeka » se dessine de façon fragile et elliptique avec Fizzarum, il séduit et flotte avec la voix touchante de Judith Juillerat. Les « Flares » chez Port-Royal, un lieu de rencontre entre intensité minimale, temps morts et temps de passage, sont repris par Televise et les britanniques D_rradio qui les tirent vers le haut, tandis que chez Minamo l’ombre de mélancolie qui les traversait devient presque palpable et s’étire sur un long morceau de presque douze minutes. Ulrich Schnauss clôt l’album par « Stimmung », reprenant cet aspect éphémère si cher à la musique de ces italiens, qui s’éclipse après avoir montré une lumière éclatante.
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