Cela débute en douceur, avec une mélodie venue de loin qui prend forme patiemment, s’arrange de quelques oripeaux (une basse songeuse, une batterie caressée, un moog atemporel, une guitare acoustique impressionniste), bribes de souvenirs éclairés petit à petit tels des cailloux disséminés pour retrouver son chemin, retour vers l’enfance d’avant la haine de devoir lui survivre. On le sait depuis quelque temps déjà : Oldman ne ménage pas son auditeur, il fouaille la glaise aux tréfonds de nos vies bringuebalantes, déchire le rideau des convenances pour explorer cette part d’ombre qui nous habite, ces angoisses qui nous tenaillent, cette peur qui nous domine. Sa musique est ainsi faite, à l’instar de notre existence : elle est un champ de bataille, avec ses morts et son sang, ses vaincus et ses vainqueurs. Si Son, Father and Son… apparaît de prime abord moins sombre et grave que le précédent Two Heads Bis Bis (2008), il s’avère en réalité empli de tourments tout aussi orageux. D’une absence, aussi, qu’il s’agit moins de combler que de faire sienne. On devine que se joue là, dans cette évocation d’un passé trouble, entre les mots mais aussi en leur coeur, une mise au point filiale encore douloureuse. Si cela nous regarde, littéralement, c’est que chaque morceau délivré ici, comme le sont les secrets longtemps gardés pour soi et enfin révélés, tiennent d’une nécessité absolue plutôt que d’un épanchement malsain. Nécessité pour Oldman de dire les choses à sa manière, avec pudeur et recul, avec ses armes, c’est-à-dire des sons qui creusent le temps, ouvrent des blessures et les cautérisent. Nécessité pour l’auditeur de se laisser porter et bousculer par cette musique remuante, calme en apparence, agitée dessous, un peu pop, un peu post-rock, un peu expérimentale, un peu tout ça et beaucoup plus que cela : tout simplement humaine, malgré tout.

– La page MySpace de Oldman
– Le site de Arbouse Recordings