M.Ward est épuisant. Son nouveau disque est, comme toujours, son meilleur à ce jour et fait de lui un artiste encore plus précieux… Voilà, chronique terminée…


C’est chaque fois la même histoire avec M.Ward Ses disques, au début, on les lâche vite. Trop faciles, trop classiques, trop lisses même, tout cela semble entendu mille fois. Puis, par acquis de conscience ou par la force des choses, parce que 15€, c’est pas rien, que tout le monde sans exception en dit du bien, y compris les amis de confiance (à qui on en voudrait presque de se plier à un tel consensus), on s’y replonge. Et là, le charme opère, doucement, subtilement, accord par accord, chanson par chanson, exactement comme avec Ron Sexsmith. Et Hold Time est même franchement redoutable à ce petit jeu.

On a déjà tout dit de M.Ward qui ne soit applicable à Hold Time. Il explore toujours avec un amour quasi filial les arcanes de la musique de son pays, rend visite aux grands noms, disparus ou pas, et trousse avec une aisance déconcertante des chansons qui fonctionnent instantanément. Et puis il y a cette éternelle nonchalence dans le chant, cette impression de facilité, cette évidence un peu arrogante — si ce n’est qu’elle est naturelle et que le bonhomme n’a rien d’un arrogant — qui donnent cette impression d’avoir affaire à un disque de folk de plus. Sauf que derrière ces polaroïds musicaux se cachent des compositions tout simplement parfaites. M.Ward est de ceux, rares, qui n’écrivent pas des chansons mais des classiques, des morceaux qui sonnent comme des standards. D’où cette impression d’avoir déjà entendu cela avant. La chronique pourrait s’arrêter là tant M.Ward est le meilleur promoteur de son art. Les amateurs seront comblés, les néophytes (qui passeront le cap des deux-trois premières écoutes) transportés.

On pourrait aussi pousser un petit peu l’analyse tant M.Ward est un bon client. On pourrait préciser que Hold Time est son album le plus lumineux à ce jour, on pourrait même danser avec à plusieurs reprises. C’est dire, finalement, le chemin parcouru depuis ses premiers efforts instrumentaux. On pourrait rajouter que ce nouvel album bénéficie de la production la plus ample et granuleuse jamais entendue chez le chanteur natif de Portland (ville décidément bénie pour le songwriting boisé), peut-être un peu trop poussée vers la reverb pour la voix s’il fallait trouver un défaut à ce disque (en fait il y en a un autre, plus embêtant, nous y reviendrons). On pourrait souligner que l’association avec sa nouvelle muse Zooey Deschanel — avec qui il a signé en 2008 un Volume 1 de She & Him hautement recommandable — fonctionne décidément parfaitement. On pourrait conclure, pour les fans, que c’est le disque qui concentre le mieux (à ce jour) tout son savoir-faire, des ballades country aux hymnes pop-folk carrément addictifs, faisant montre d’un jeu de guitares toujours aussi impressionnant (il a bien étudié John Fahey) et d’une capacité sans cesse accrue à élaborer des arrangements pour violons toujours plus élégiaques et dont la greffe sur des boogies endiablés ou des hymnes country version boom-chicka-boom prend sans cicatrice. On pourrait aussi ne rien dire.
Mais on doit aussi mettre en avant un petit défaut qui, à la longue, nous gêne un peu. Dans sa grande admiration pour ses maîtres, il a invité Lucinda Williams à ré-interpréter “Oh Lonesome Me”, une pépite d’After The Goldrush de Neil Young et faire d’une pierre deux coups : malheureusement, cela donne le morceau le plus long de l’album (carrément le double de la version originale) et son seul véritable loupé, Lucinda Williams y étant éreintante de maniérisme. La lenteur de sa version casse complètement la dynamique du disque, et surtout il y a pratiqué un ravalement de façade totalement inutile pour un morceau dont la simplicité est précisément le secret.

Pour autant, M.Ward s’installe de plus en plus confortablement au panthéon des songwriters précieux et complets, détenteurs d’un savoir faire inégalé et dont on ne voit plus, aujourd’hui, ce qui pourrait l’altérer. De ces artistes qui anoblissent un peu plus leur art à chacune de leurs livraisons. Et avec le sourire en plus.

Lire également :
– la chronique de Post War
– la chronique de Transistor Radio
– l’interview qu’il nous accordait en 2005

– Son MySpace