Entre 1999 et 2008, le légendaire crooner syrien Omar Souleyman a sillonné les scènes de Syrie, d’Arabie Saoudite, de Dubaï et du Liban, enregistrant avec son groupe une douzaine de cassettes. Après un premier volume déjà remarquable (Highway To Hassake, paru en 2007), Dabke 2020, sous-titré Folk & Pop Sounds of Syria, est une nouvelle compilation de huit morceaux sélectionnés par le musicien Mark Gergis qui témoigne de la scène musicale populaire, voire avant-gardiste du Moyen-Orient. Rêches et abrasifs, mais aussi dansants et mélodiques, ces morceaux aux atours peu séduisants — pour un public occidental plutôt habitué aux soupes world onctueuses s’entend — sidèrent par leur modernité déviante et inattendue, modernité malgré elle tant on imagine qu’Omar Souleyman s’en soucie comme d’une guigne. Chant arabe incantatoire ou rauque, synthés distordus aux nappes serpentines hypnotiques, downbeat hardcore épileptiques, greffes de loops et samples bricolés, percussions tribales, bouzok et violons électrifiés façonnent un univers à la fois primitif et contemporain, traditionnel et urbain, underground et popisant. La volonté habituelle — esthétique aussi bien que politique — du label américain Sublime Frequencies de conserver le son lo-fi du support originel ajoute à la sensation d’étrangeté que procure cette musique dabke singulière, nourrie également d’influences syriennes, arméniennes, kurdes et irakiennes. Elle lui confère, en outre, grain et authenticité, quand l’exubérance et l’anachronisme des morceaux, comme leur caractère parfois inattendu (cf. le lent et sensuel « Kaset Hanzal (Drinking From The Glass Of Bitterness) »), constituent un jouissif contrepoids aux régimes aliénants qui perdurent au Moyen-Orient. Indispensable.

– Le site de Orkhêstra

– En écoute : « La Sidounak Sayyada »