Ce cousin éloigné de Katerine n’est pas le dernier pour défroquer ses cousines sur ce petit bijou bien dégourdi. Hardi hardi !


Tante Hortense est un homme. Barbu de surcroît. Un artiste français qui navigue dans les eaux profondes de la chanson française, bien décidé à se faire une place au milieu des nénuphars, poussant des épaules quelques crapauds un brin pénibles et d’autres libellules ne sachant plus où donner de la tête pour se faire remarquer. Tante Hortense a pour lui ce que bon nombre de ses congénères n’ont plu ou n’ont même carrément jamais eu : un vrai talent pour trousser des chansonnettes débridées, immédiatement et irréversiblement imprimées dans le cortex. Pourtant ce disque Plus Cher — par opposition à son premier album, Bien, fabriqué avec trois fois rien et distribué au compte-goutte, puis à son deuxième album, logiquement appelé Mieux puisque mieux attribué et plus remarqué — est fait avec quelques cordes de nylon, pas mal de potes, une fanfare (enfin, sur un seul titre) et des chansons irrésistibles.

« Jusque là/Malgré le peu d’intérêt/Que présente mon cas/Je faisais grand cas/De mes petits intérêts » — “Cas de Peu”. Voilà un magnifique résumé de la nouvelle chanson française, bien qu’il ne s’agisse que d’un constat de sa propre vie. Et Tante Hortense de s’inscrire en poil à gratter dans cette scène sclérosée et ringardisée par ses plus jeunes représentants. Car faire grincer les dents est une deuxième nature chez Tante Hortense. Mysoginie de supermarché — “L’Ane (Au-dessus de la Femme)” –, auto-apitoiement délirant — “Ma Vie me Dégoûte”, “Amusante Promenade”, l’infernale “La Terre” –, poésie désabusée — “L’Amour Là”, “La Liste” –, le chanteur use d’une plume délicieusement second degré couplée à une grande finesse pour dévoiler son univers. Ce qui n’est pas sans rappeler le Katerine de l’époque des Mes Mauvaises Fréquentations. Sans réduire Plus Cher à un disque tordant, dans la lignée des premiers Dutronc, Tante Hortense est aussi un fin limier de la langue de Gainsbourg, triturant allègrement le vocable sentimental pour sauter d’un vers à l’autre de l’humour potache à la vraie déclaration d’amour, usant d’un réalisme sec et multistratifié comme l’était celui de la nouvelle vague (cinématogaphique, bien sûr).

Pour servir cette écriture toute en arabesques, Tante Hortense s’appuie souvent sur le tropicalisme, faisant parfaitement se marier une composition très solaire à un chant qui s’inscrit en digne héritier des chansons de Jacques Demy. En grand amoureux du Brésil, il lui rend même un hommage tordant sur “Le Bus 531”, transport qu’il a visiblement souvent emprunté pour visiter Rio. Loin d’un académisme et d’un hommage pétrifié comme peut le subir le folk aujourd’hui, la musique de Tante Hortense puise dans ces chaudrons inépuisables pour renforcer son identité faite de mélodies squelettiques, bribes de chansonnettes courtes et diablement efficaces, au goût de reviens-y bigrement entêtant. Il a su, pour l’affaire, s’entourer d’une fine équipe de complices au raffinement égal. Il élabore notamment une “Liste” touchante avec Eloïse Decazes du duo Arlt., caracole dans ce fameux “Bus 531” avec le précieux Franck Monnet, ou encore invite Neman Herman Düne à frapper sa batterie sur “L’Amour Là”.

Et derrière un disque de peu, bien que Plus Cher que d’habitude pour son auteur, se cache un disque zébré, addictif, et farouchement intelligent. Prouvant en sus qu’il n’est nul besoin de name-dropping ou de soirées pizza pour faire rire son monde. Un grand vent de fraîcheur avec un soupçon de canicule à l’intérieur.

– Son MySpace

– La page de Tante Hortense sur le site des Disques Bien

– En écoute, une formidable leçon de machisme, “L’Ane (Au-dessus de la Femme)” :