Dosant parfaitement trip-hop, ambient et rock, ce premier album du duo havrais dépasse largement les promesses faites sur leur EP inaugural. Avant un happy end que l’on souhaite le plus tardif possible, on se réjouit d’abord de ces débuts plus que prometteurs.


Avant toute chose, que tous ceux qui n’ont jamais entendu 700 Fields, le premier EP de Your Happy End paru il y a deux ans, se mordent les doigts jusqu’au sang. Nous vous avions pourtant prévenus, ce duo-là avait créé un univers propre à accueillir tous les humains pour qui le mot mélancolie n’est pas un gros mot. Seulement voilà, ce premier EP est aujourd’hui épuisé. La bonne nouvelle, c’est qu’Aurélien Bortoluzzi et Guillaume Zolnierowski, eux, ne le sont pas. Et ils ont même sérieusement bandé leurs muscles au moment d’aborder la réalisation de ce premier format long.

Une fois n’est pas coutume, la production est le premier élément sur lequel nous nous arrêterons. 700 Fields avait profondément marqué les esprits par ses finitions, son aboutissement, le soin extrême apporté aux ambiances et au son. Inutile de préciser que Seven Windows For Six Dreamers atteint un niveau encore supérieur. Le duo havrais, autosuffisant — et pas suffisant pour un sou, à ne pas confondre –, pourrait largement tenir la dragée haute à un Bang Gang ou même un Nigel Godrich s’il en avait simplement les moyens financiers. Exagéré ? Pas vraiment, non : essayez juste d’écouter “Movie Star” juste après “The Vagabond” — qui voit Beck fricoter avec Air sous la houlette de Godrich sur l’album des versaillais 10 000 Hz Legend, en 2001 — et vous constaterez que Le Havre peut aujourd’hui largement jumeler avec la ville royale — que seule une autoroute sépare, finalement.
Mais l’attrait principal de ce premier album ne réside évidemment pas dans son manteau, qu’il soit de lumière ou de pluie. Your Happy End est avant tout un groupe à chansons. L’écriture est visiblement une étape fondamentale du processus de création. Les effets apportés, aussi détaillés et recherchés soient-ils, sont tous au service d’une plume acérée. Les deux musiciens enfantent de mélodies chimériques, oniriques. Leurs compositions, nébuleuses, offrent un flan crayeux pour mieux se dissimuler et échapper à l’auditeur. Appuyés par des guitares souvent squelettiques — “Afternoon Snacktime”, “Page 7” –, parfois pierreuses — “Window”, “Cable Car” –, les normands creusent le sillon d’un trip-hop organique, bande-son d’un voyage sur la voie lactée qui mène aux confins d’un folk moderne que l’on a plutôt l’habitude d’entendre du coté de Bristol ou Seattle que sur les vertes prairies qui bordent la précitée autoroute A13. Les machines ne sont là que pour soutenir une musique débarrassée de toute afféterie chichiteuse, parfaites compagnes des six-cordes et des voix neigeuses des deux complices. Ce qui n’empêche pas, à l’occasion, l’orage de menacer lourdement et même parfois de laisser éclater sa colère, comme sur cette “Superfridge” que l’on intègrerait sans forcer à un des récents efforts de U.N.K.L.E.

Sur ce premier véritable album, qui ne fait pas oublier l’impeccable EP initiatique, nettement plus enlevé, Your Happy End va plus loin que le Pont de Normandie et joint le port de leur grise ville aux terres promises de Grande-Bretagne et d’Amérique. Au-delà, le duo prouve qu’il n’est nul besoin d’une technologie exponentielle pour produire une musique élégiaque et atmosphérique, partant du principe que la sensibilité a au moins autant d’importance qu’un laptop dernier cri. L’humain au centre de tout, en somme.

– Leur site et leur MySpace

– En écoute, le titre d’ouverture “Dying Above The Clouds” :