Dame Nature est une source d’inspiration inépuisable pour les folkeux de tous bords. Rares sont toutefois les réussites capables de se hisser à la hauteur majestueuse du nouvel album de Phil Elverum — ex-The Microphones reconverti depuis trois albums officiels en Mount Eerie. Pensé au fin fond d’une forêt telle que se plait notamment à les filmer Philippe Grandrieux — c’est-à-dire primitive et insondable –, Wind’s Poem ravive peurs ancestrales enfouies et secousses telluriques débordantes avec une puissance panthéiste et une noirceur romantique des plus fascinantes. D’emblée, le disque lève un véritable rideau d’électricité assourdissante et s’engouffre dans une nuit obscure aussi terrifiante (l’intro radicale de « Wind’s Dark Poem ») que faussement reposante (l’ambient malaisante de l’engourdi “Trough the Trees” qui cite l’Angelo Badalamenti de Twin Peaks – Fire Walk With Me). Influencé par le black metal suffocant de Xasthur et la froideur plaintive de Burzum, Elverum leur emprunte surtout une profondeur de son stupéfiante et un sens de l’espace oppressant. Cela de sorte à donner à entendre un paysage musical immersif où l’auditeur cherche son chemin (une éclaircie salvatrice ?), tout en redoutant le pire (son inconditionnelle solitude), et où les riffs appuyés de guitare métaphorisent les rafales d’un vent hurlant d’ordre mythologique (l’élément naturel est assimilé à un Dieu dans le texte). À cette noirceur et violence afférentes au metal (qui connaît actuellement un regain d’intérêt indéniable, cf. les acclamés Sunn O))), mais qui ne participe dans le cas présent d’aucune lubie de musicien surfait en mal de branchitude), Phil Elverum oppose des moments suspendus de pure poésie inquiète : la ballade lynchienne “Between Two Mysteries”, la mélancolique « Stone’s Ode » qui évoque l’univers d’un Neil Young rustique et nihiliste, la méditation céleste “Ancient Questions”… Au final, cette savante alternance de climats (ombre/lumière), de sentiments (accablement/espoir) et de paradigmes esthétiques (introspectif/citationnel) confère à Wind’s Poem une dimension artistique universelle où l’homme écorché et mortel se voit confronté à une nature indéfectible qui a tout d’un paradis perdu.

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– En écoute :

« Lost Wisdom pt.2 »

« Between Two Mysteries »