Il serait temps que ce groupe ne soit plus le caprice de quelques happy few à l’oreille fine. Ce magistral quatrième album est taillé pour mettre à mort ce maudit anonymat.


Deuxième album des Danois Moi Caprice après The Art Of Kissing Properly à nous parvenir, mais quatrième au compteur pour ce quatuor qui ne connaît de la vie que l’élégance. Nous avions été conquis par une écriture pop raffinée, aérée et magnifiquement charmeuse, on les retrouve plus détachés des contingences terrestres que jamais. Moi Caprice n’a de sens que dans la mesure où l’auditeur est complice de sa plongée dans un certain engourdissement. Mais que l’on ne s’y trompe pas, engourdissement ici ne signifie jamais ennui. Michael Møller et ses complices navigueraient plutôt dans les limbes d’un subconscient amoureux et perdu. We Had Faces Then est issu d’une séance d’enregistrement initialement partie sur 20 compositions. Autant dire que si la sélection finale souffre peu de faiblesses, on n’attend qu’une chose, la publication des neufs laissées pour compte.

Moi Caprice ne considère pas le romantisme échevelé comme une posture mais plutôt comme un champ de possibles, partant du principe qu’il existe mille et une façons d’exprimer sa mélancolie amoureuse. L’écriture miraculeuse devient un éphémère qui rythmerait une promenade sans but dans un jardin euphorisant et imaginaire, ne s’imposant jamais autrement que par sa discrétion et sa finesse absolue sur des mélodies souples et chaleureuses.
A priori, on pourrait s’arrêter à la façade, l’impression superficielle et erronée de mièvrerie. Mais, plus que de faire fausse route, il s’agirait surtout d’une grande injustice pour ce groupe qui s’échine à creuser un sillon pour le moins peu couru par le grand public. De la relative accélération de “The Devil Travels Fast” ou “A City Winter” — tube imparable en vue — à la douce torpeur qui envahit le reste de l’album, les Danois circulent en toute liberté, leur musique s’exprimant dans une production toute en rondeur et en arrangements ouatés, guitares scintillantes et cuivres chamarrés tissant un lit de mousse épaisse et humide à la douce voix de Møller. Au delà de l’évidence pop du single “Love At Last Sight”, on creusera un peu plus avant et on s’attardera sur l’élégance satinée de “Something Very Clouded” ou “The Same House Seen From All Possible Angles” qui devrait parler à ceux qui ont aimé du chanteur Christophe les ballades savoureuses de ses premières heures de gloire.
Malgré tout ce beau parcours, le meilleur est pour la fin puisque Moi Caprice n’est jamais aussi convaincant que lorsqu’il allie avec une subtilité magique arrangements diaphanes et mélodie en mode mineur, le tout embarqué sur une rythmique orageuse, à l’image de “We Leave Tonight”, pièce maîtresse du disque qui marrie à la perfection un violon sensuel à la voix inquiète de Michael Møller ; un titre qui vaut toutes les envolées de feu-Venus, autres grands faiseurs de tubes pop à haut potentiel lacrymal (en exagérant un peu).

Derrière une apparence un peu lisse se cache un groupe extrêmement raffiné qui livre une musique qui se mérite en même temps qu’elle se dévoile, promettant de beaux instants de grâce à ceux qui joueraient le jeu de l’abandon de soi. Un disque qui fait appel à la vraie mélomanie. Somptueux.

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– A écouter “We Leave Tonight” :