D’abord, il y a l’instrument, un violoncelle, avec lequel composer, c’est-à-dire non pas faire avec, mais s’accorder. Chair vibrante, à la fois dedans et au dehors, et cordes mêlées. Ensuite, le musicien, Didier Petit. Tout le contraire d’un virtuose à la petite semaine. Avant tout un homme qui écoute, réserve ses gestes, pèse ses notes, se concentre, se dissipe, explose, s’absente ailleurs, revient ici. Un musicien puisant dans la profondeur de son vis-à-vis fétiche la matière même d’une musique qui ne s’explique pas. Une musique de là-bas, d’Orient, d’Asie et de Minneapolis (cette ville où a été enregistré le disque en février 2009), une musique de chez nous, de partout et nulle part, « brutale comme un diamant, radicale comme la naissance, unique comme chacun de nous est multiple ». Et cette dernière de se dévoiler sous trois faces qui raisonnent aussitôt avec trois autres, celles qui, déjà, en 2001, avaient dessiné les contours d’une magnifique Déviation obtenue dans d’identiques conditions. Trois faces pour un seul homme, et une myriade de sons échappés de cette « pratique païenne » étourdissante, de ce corps à corps avec son homologue tout de bois vêtu, tantôt frotté, frappé, chanté, enserré, relâché. Trois faces pour s’entendre et s’affronter, ouvrir des espaces comme des entrailles, scruter le danger de se perdre, éprouver la joie de se retrouver. « Parce qu’il faut toujours essayer de jouer ce que l’on ne sait pas jouer ». Biaiser sa stature, perturber les sens, détourner in fine ces corps qui se savent jouer. Trois faces improvisées du bout desquelles s’agitent des fantômes, résonne, inaltérable, le chant de Billie Holiday lors d’un ultime pas de deux. Une danse à trois, avec style. Juste sublime.

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– A écouter : « La tour Babel »