Une brit pop investie qui stimule notre système nerveux, portée par un chanteur d’une trempe rare. Décollage vertical avec ce troisième opus des Mystery Jets.


Nombreux sont les groupes sachant écrire de bonnes chansons, façonner un son, ou maîtriser la science des arrangements. Mais pour viser plus haut, pour qu’un grand groupe se distingue de la masse, il lui faut rajouter cette épice secrète qui n’existe dans aucun manuel. Cette alchimie — ou plutôt magie car inexplicable — ne se discerne pas forcément du premier coup car elle se doit d’être naturelle tout en faisant d’emblée toute la différence. Et s’imposer comme une évidence. Cette évidence est rare, on l’a dit parfois innée, car elle fait virer les chansons à l’obsession lorsqu’habituellement deux ou trois écoutes suffisent pour nous en lasser.

Pour les Mystery Jets, quintette britannique originaire de la banlieue londonienne de Twinckenham, ce petit « plus » résulte au départ d’un moins : leur chanteur Blaine Harrisson est atteint d’une maladie congénitale, le spina bifida, qui le contraint à se déplacer avec des béquilles et chanter sur scène assis sur une chaise. Malgré tout, ce calvaire quotidien a décuplé dans sa voix une intensité — parfois même une douleur — proprement singulière au regard d’une formation brit pop de ce genre. Sur ce troisième opus, de loin leur plus abouti (les deux premiers ne nous avaient laissé aucun souvenir), l’investissement et la sincérité du jeune homme ne peuvent cette fois laisser de marbre.

Inscrit dans une pop traditionnelle, légèrement bricolée aux claviers, l’intégralité de Serotonin fait montre d’un songwriting pop hors-pair, assez proche des méconnus Triffids (certainement pour les sonorités new wave). A l’instar aussi du premier album des Pigeon Detectives, les Mystery Jets cultivent un goût louable pour la simplicité, les harmonies léchées entrainantes qui se sifflent inconsciemment le matin sous la douche. Et c’est tout ce qu’on leur demande. L’album cède peut-être un peu trop aux synthés 80’s clinquants, mais force est d’admettre que les atmosphères variées et déclinées sur ces dix plages évitent l’enlisement dans un seul style — le mid tempo rêveur de “The Girl is Gone”, “Waiting on a Miracle” et son intro shoegazy inquiétante, la bonne humeur de “Flash A Hungry Smile”…

Car sous ses faux airs de pop avenante et légère, les histoires écorchées de Blaine Harrisson touchent droit au coeur et distillent une mélancolie salvatrice. Carburant émotionnel incontesté du groupe, le chanteur échevelé donne toutes ses tripes sur des refrains emballants, ce dès l’inaugural “Alice Spring” et sa ferveur dramatique enlevée à la Arcade Fire. Et même sur une ballade piano un peu trop Kleenex comme “It’s Too Late”, on a envie de poser une main sur son épaule lorsqu’il se résigne sur son refrain à chanter « But’s It’s too late to talk now ». Avec le vieux briscard Chris Thomas aux manettes (producteur de Roxy Music, Procol Harum, Badfinger…), les Mystery Jets nous invitent avec Serotonin à une impression nostalgique de fin d’été. Des vacances qu’on aimerait retenir encore un peu, même si l’on sait qu’elles sont déjà terminées. Oui, Serotonin, c’est tout à fait ça.

– Site officiel

En concert à la Maroquinerie (Paris) le 12 octobre.

– En vidéo : « The Girl Is Gone » tirée des Serotonin Sessions :