Promenade sur le sable d’ « Echo Beach », l’incunable new wave de Martha and the Muffins, où le vent souffle encore, 30 ans après…
Il y a 30 ans, mois pour mois, résonnaient sur les ondes et les platines les arpèges magnétiques d’une tranche de vie post-adolescente, appelée à devenir l’un des grands classiques de la new wave : « Echo Beach ». Responsables de ce succès aussi inattendu qu’international, sorti en janvier 1980, sur l’album Metro Music, les canadiens de Martha and the Muffins s’abîmeront ensuite malheureusement au creux de la vague, non sans avoir laissé une trace indélébile d’écume sonore.
Formé en 1977 à Toronto, le combo, ayant délibérément opté pour un nom à la connotation peu agressive, en porte-à-faux avec la scène punk de l’époque, se fait repérer par la rédaction du Interview d’Andy Warhol. Quelques planches brûlées à New York auront suffi pour convaincre Virgin de les signer sur sa filiale Dindisc et de les envoyer enregistrer en Angleterre leur premier effort, sous la houlette de Mike… Howlett, justement (ce dernier produira notamment « Enola Gay » de O.M.D. Le groupe s’inscrit dans une veine post-punk organique, énergique et dansante presque malgré lui, se distinguant par une forte présence d’orgues, de récurrentes envolées de saxophones et… la voix de Martha. Recrutée initialement pour jouer des claviers, Martha Johnson sera ainsi poussée par ses petits camarades derrière le micro, exposant à la lueur des projecteurs une coupe de cheveux thatcheroïde et un jeu de scène plus statique que celui d’une illustre homonyme, cheftaine des Vandellas. Son chant, décliné sur plusieurs pistes, mâtinant scansions martiales et sobriété magnétique, sera pour beaucoup dans le décollage du groupe et du titre en question.
S’ils se risquent dans l’Ontario, les pèlerins en quête de retour aux sources tomberont sur un os : aucune carte ne mentionne quelconque Echo Beach dans les environs, ni même plus loin. Car le rivage en question est bel et bien imaginaire, refuge pour mieux fuir un quotidien sans relief.
En remontant la piste, on découvrira cependant que le guitariste et compositeur du titre, Mark Gane, chantait, à l’époque, son mortel ennui dans une usine de papier peint et laissait régulièrement son esprit divaguer vers le souvenir d’une échappée nocturne sur la Sunnyside Beach du Lac Ontario. Le pont « The only thing that helps pass the time away / Is Knowing I’ll be back at Echo Beach some day » n’en prend que plus de sens… Le tube, « parfait concentré du mélange de nervosité et de mélancolie qu’a été la première new wave », dixit Michka Assayas, propulsera bien le groupe « far away in time », selon son vœu, mais constituera un chant du cygne avant l’heure. Les quelques albums qui suivront, avec un jeune Daniel Lanois aux manettes (plus tard aux côtés de U2 et Dylan), ne permettront pas de transformer l’essai, les Muffins s’effritant en 1983.
Interrogée aujourd’hui sur la popularité du morceau, Martha avance comme raison éventuelle le caractère universel et durable des sentiments qui y sont exprimés ; un prétexte qui a certainement été exploité par les interprètes des reprises plus ou moins douteuses qui se sont succédées depuis trente ans, d’une lamentable relecture façon Billy Idol des mauvais jours en 1987 par Toyah Wilcox (épouse de Robert Fripp) au récent disque de remixes… dub façonné par le label allemand… Echo Beach ! Aussi, au nom de l’admiration que l’on porte pour ce titre, on se gardera bien d’orienter les jusqu’au-boutistes vers une resucée très librement inspirée de l’originale, l’ « Egoiste » de la Grande Sophie (2005)…
– Le site de Martha and the Muffins
– A écouter – (version studio)
A écouter et voir – (version live)
Pour rire – (version Toyah Wilcox)