Le songwriter mancunien Damon Gough retrouve le plaisir des choses simples. Céleste et inspiré.
Que le statut de prodige ne doit pas être facile à porter tous les jours pour Bradly Drawn Boy alias Damon Gough ! Souvenez-vous, du temps de son premier album, The Hour Of Bewilderbeast (2000), certains critiques n’hésitèrent pas à le désigner alter-ego britannique d’Elliott Smith. Pas moins. Le prodige flirta rapidement avec le succès via sa bande originale pour la comédie sentimentale About a Boy (2001), excellente au demeurant. Mais, reconnaissance publique aidant, les choix artistiques devinrent vraisemblablement plus compliqués, trop semble-t-il, pour que la musique puisse respirer.
Pris à son propre piège, le garçon, identifié à l’éternel bonnet, s’est par la suite retrouvé coincé dans une posture indélicate, contraint à endosser – de son propre chef, malgré tout – la panoplie du « parfait songwriter d’orfèvre ». Panoplie consistant à complaire ses compositions boisées d’orchestrations lustrées, gage d’atemporalité. Un écrin luxueux, hélas devenu trop systématique. L’ambition certes toujours là, une routine classieuse s’est insidieusement installée, et ainsi la côte du mancunien de décliner progressivement, mais inexorablement, sur les longuets One Plus One Is One (2004) et Born In The Uk (2006).
Lorsque l’on s’est perdu en chemin, deux solutions s’offrent généralement à vous : tenter de retrouver la personne que l’on était, ou lui dire adieu. Conscient de ce dilemme, avec It’s What I’m Thinking (Part One – Photographing Snowflakes), il penche pour la première option : un retour aux sources pour Badly Drawn Boy. Ainsi, ce cinquième album renoue avec l’artisanat bienvenu des premiers EPs et de The Hour Of Bewilderbeast.
On sent ici le songwriter davantage concerné par une pop plus contemplative et solitaire. La production du multicarte Stephen Hilton (programmateur pour Massive Attack, quelques scores pour James Bond) agence une ambiance atmosphérique splendide, à la fois intimiste et spatiale. Les claviers, très présents, prêtent un cachet faussement épuré à l’ensemble, tandis que les arrangements de cordes se font plus discrets que d’accoutumée. Le délicat équilibre des deux est finement ajusté et évoque curieusement les bricolages folk hybrides et singuliers du mésestimé Merz.
Par le caractère méditatif qui en découle, rarement le « garçon mal dessiné » aura donné à sa voix une si forte dimension confessionnelle. Poignant, le songwriter s’interroge sur les conséquences de ses choix sur des ballades crépusculaires superbes (“What Tomorrow Brings” et “The Order of Things”). La brit pop spectorienne du single “Too Many Miracles”, si merveilleusement troussée, ne reflète pas l’ambiance générale de cet album à part. Certainement aussi l’album plus court de sa carrière, ce qui, rétrospectivement, est une bonne chose. Seul petit raté, le probable second single “This Electric”, plus enlevé mais trop englué « lounge », échappe à la concision d’ensemble.
Quel est l’élixir de jouvence de Damon Gough ? De son propre aveu, l’inspiration serait revenue à flot en 2009 suite à une commande pour une série TV anglaise, The Fattest Man in Britain. Cette fécondité retrouvée après trois longues années de silence aurait catalysé les futurs sessions de It’s What I’m Thinking et même engendré une ambitieuse trilogie à paraître cette année, dont It’s What I’m Thinking est le prometteur premier volet. Il ne reste plus qu’à attendre impatiemment la suite. « Sometimes It’s good to re-arrange the order of things” avoue-t-il. A nous d’acquiescer.
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Vidéo Badly Drawn Boy – « Too Many Miracles » :