L’Anglaise rentre dans la catégorie Protest song avec grâce. Une dénonciation de l’Angleterre militaire, sur un ton… jovial.


Grande dame, Polly Jean Harvey fait ici partie des meubles. Papesse de l’indie, ses disques sont accueillis avec respect, la déception n’ayant jamais été au rendez-vous. Ou si peu.

Ces dernières années, un changement musical de taille s’est opéré chez elle : de la chanteuse rock qui, sur ses premiers albums, sort de petites bombes presque punk teintées de blues, elle lorgne de plus en plus vers des recueils de ballades. De prises de becs intimes sur Ze Monsta qui la dévore, elle est passée à des pamphlets antimilitaristes. D’une révolte intramuros, l’Anglais à évolué vers une rébellion extramuros. Le sort du monstre a été réglé, il faut désormais se battre contre les moulins. Le combat de Don Quichotte en somme.

La guerre donc, c’est mal. Lorsque les artistes s’engagent sur cette voie, ils savent qu’on peut vite les taxer de gros nazes naïfs pas très au courant de la realpolitik. C’est l’engagement du Royaume-Uni contre la guerre au terrorisme et son envoi de troupes en Irak et Afghanistan qui ont dégouté PJ. Telle une étudiante préparant sa thèse, elle a alors dévoré des livres, des films, des documentaires, surtout ceux détaillant la grande boucherie, c’est à dire la première guerre mondiale. Elle dit avoir regardé avec intérêt, voire fascination (normal dira-t-on), les films de Kubrick (Les sentiers de la gloire, Barry Lyndon et Full Metal Jacket). Elle dit aussi s’être abstenue de toucher un instrument pendant plus de deux ans pour mieux se concentrer sur ce sujet macabre. Au point de s’en imprégner. Et d’accoucher de ces protest songs, épaulée par ses fidèles John Parish et Mick Harvey. Et de conclure : “What if I take my problem to the United Nations?”.

La sentiment premier de ce Let England Shake est pour le moins désarçonnant, à l’instar du titre « Written on the Forehead ». Sa voix y est quasi méconnaissable, on croit entendre une petite fille, quand ce n’est pas une sorcière sortie de sa tanière (anglaise, tant l’accent y est parfois exagérément rocailleux). Le moins que l’on puisse dire c’est que ça couine. Rassurez-vous : ça crie et ça chuchote aussi. « England », son décorum, et ses boucles, évoquent indéniablement Cocorosie. À ce propos, un parfum enfantin parfume l’album : les voix, les rythmes joyeux et entraînants (« The Glorious Land ») et les instruments (de l’auto harpe essentiellement). Comme beaucoup de ses compatriotes dans des situations similaires (The Clash pour n’en citer qu’un), le reggae roots, le vrai, a fait son entrée chez Polly Jean. Pas seulement sous forme de samples (« Blood and fire »), mais aussi de gimmicks à la guitare sèche (« The words that maketh murder ») ou à la batterie (« The Glorious Land », où plane l’ombre « The bed’s too big without you » de Police). L’histoire du rock (et de la protest song de surcroît) fourmille d’emprunts à la musique jamaïcaine pour dénoncer la guerre et ses maux, ce n’est donc pas une innovation remarquable. Elle est cependant réussie.

Les nostalgiques de la PJ Harvey d’antan n’auront droit qu’à quelques rares titres tels que « Hanging in the wire » ou « The last Living rose ». On conseillera à ceux qui ne s’en remettront guère de jeter une oreille sur la jeune Anna Calvi. Le flambeau, dit-on, a été repris par cette dernière. Le temps cru du lick my lips of desire, lick my lips i’m on fire… semble bel et bien révolu. Elle aurait pu nous servir des brûlots punk. Elle a préféré nous étonner en entonnant des comptines bricolées.

On est bien dans la suite logique de The White Shalk. Fait nouveau, et de taille, malgré le sujet principal du disque (la guerre) le ton du disque est plutôt jovial. Entraînant aussi.

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