Un nouvel album de REM est-il, en 2011, une bonne nouvelle ?
Réponse les deux oreilles bien ouvertes au temps présent.


Collapse Into Now, quinzième album du nom, en trente ans d’une carrière qui aura su maintenir un cap et une foi inébranlables aussi longtemps, est un bon disque de pop-rock, de bon indie-rock US à l’ancienne. Même Warner a dit que le disque se rapprochait du grandissime Automatic For The People ! C’est dire si la méfiance était de mise avant l’écoute du nouvel opus du trio d’Athens.

Force est de constater qu’il y avait peut-être certaines raisons de rester sur ses gardes et de se demander pourquoi, derrière un album de facture honnête et à l’engageante première écoute, ne ressortaient au mieux qu’un tolérant sourire poli, au pire l’impression désagréable de rater quelque chose.
Il faut dire que REM ne s’est jamais vraiment relevé de la triple rupture qui l’a secoué à la fin du siècle précédent : le départ du batteur Bill Berry, métronome historique dont l’absence ébranla la conviction créatrice d’une histoire bâtie en groupe; la publication des textes de Michael Stipe qui, jusqu’à l’ignoré mais magnifique New Adventures in Hi-Fi, étaient restés tapis dans l’ombre de l’énigmatique phrasé poétique du chanteur et qui, dorénavant mis en lumière, perdent de leur mystère originel; enfin, le coming-out de Michael Stipe, levant le voile sur le secret de sa propre sexualité, sur celui de son personnage culte lui aussi empli de mystères et dont l’ambiguïté des interprétations soudainement levée ferait presque se transformer l’icône de vingt ans de rock US en grande diva des années 2000.
Car, depuis lors, et après un magnifique chant du cygne de la trempe de Up, REM n’a jamais réussi à recréer cet univers étrange et mystérieux sur lequel s’était bâtie sa notoriété.

Collapse Into Now commence donc là où le moyen Accelerate se terminait : deux morceaux de rock poussifs, que REM ne maîtrise plus, Stipe forçant sur sa voix de trop de manières différentes, derrière quelques riffs bien ficelés mais sans âme. Peut-être REM se retrouvera le temps de “Ãœberlin” ou “Oh My Heart”, deux très jolis morceaux, façon Out Of Time / Automatic For The People : Stipe pose de nouveau son chant, mandoline et arpèges de guitares reviennent un temps illuminer les arrangements et sonnent à la première écoute comme ce «Â bon vieux REM ». C’est d’ailleurs là que le bât blesse, quand les jolis morceaux du nouvel album ne sont finalement que resucées, à peine cachées, des chefs-d’œuvre d’antan, copies presque trop parfaites masquant l’incapacité du groupe à prendre encore des risques et de nouvelles voies moins balisées.

Un risque peut-être encouru en osant chanter « Hip Hip Hip Hourrah » durant “It Happened Today”, sauvé in extremis, non pas par la présence à peine perceptible de l’ami de longue date Eddie Vedder, mais par un finale plutôt réussi. D’ailleurs, les invités semblent avoir été choisis sur le volet du rockindiement correct, puisqu’il est à noter la présence des gay-friendly Joel Gibb de Hidden Cameras, noyé également dans le morceau sus-cité, ou la locale de l’étape Peaches sur le pénible “Alligator_Aviator_Autopilot_Antimatter”. L’album ayant été enregistré en partie à Berlin, non pas pour y puiser l’inspiration chère à David Bowie ou Lou Reed mais «Â parce que Michael pouvait sortir en boîte tous les soirs » d’après Peter Buck ; à moins que ce ne fût là la même source pour un résultat différent. Aux deux exemples de belles réussites déjà cités peuvent venir s’ajouter “Everyday is Yours To win” ou “Me, Marlon Brando, Marlon Brando And I” sur lequel Stipe démontre qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se met en danger. De même, le rock’n’roll “That Someone Is You” prouve que la puissance d’un morceau ne se résout pas simplement dans un brouhaha intégral (“Mine Smell Like Honey”, pour ne citer que celui-là) mais plutôt dans la maîtrise du tempo.Patti Smith viendra clore le débat sur “Blue”, dernière chanson du disque qui n’atteindra jamais la splendeur de “E-Bow The Letter” sur lequel elle avait déjà prêté sa voix.

Alors, certes, le trio « fait le job », comme disent les américains : Buck en minimum syndical, Mills en chœurs enfin retrouvés, mais si, pour chaque chanson du disque, il existe son équivalent dans la riche discographie du groupe, quelque chose semble dorénavant brisé avec REM. Le charme est retombé. Peut-être la rupture a-t-elle provoqué vaines attentes et désirs frustrés, engendré l’exigence et détruit les joies profondes, exacerbé les déceptions et finalement, donné naissance à la lassitude ?

Même un bon album de REM ne fait plus rêver. Le Rapid Eye Movement scille au ralenti, plus durs en seront la chute et le retour au temps présent : Collapse Into Now.

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En écoute : Oh My Heart :