Le second opus du complot électro-pop cueille à froid par sa fulgurante charge émotive, malgré un cordon ombilical mal coupé…


Une eau glaciale aux faux airs de Spree berlinoise hivernale a dû couler sous les ponts de l’East River depuis le premier effort de Cold Cave, Love Comes Close (2009). Le décidément tourmenté Wesley Eisold, baryton en chef de la formation new-yorkaise, a remisé ses oripeaux électro-minimalistes pour oser explorer, à la pelleteuse, des sinusoïdes synthpop et autres méandres darkwave. Synthétiseurs toutes voiles dehors, il délivre, sur ce Cherish The Light Years, une palette de déflagrations analogiques d’un violent romantisme, dont le lyrisme nourrit le nihilisme.

Car l’homme, syncrétisme improbable empruntant à la fois à Morrissey et à Nitzer Ebb, n’est pas, à proprement parler un optimiste, aimant plutôt à disserter sur les amours désespérées, les voies sans issues et la fuite du temps. Jamais en mal d’une contradiction, il se plaît à apposer ses divagations brumeuses sur des textures aux humeurs étonnamment positives, d’une richesse mélodique avérée, et susceptibles, osons le dire, de mener directement vers la piste de danse. Il est vivement conseillé de prendre une grande inspiration avant l’entame, car l’air et le jour ne se montreront à nouveau qu’une fois la galette revenue à l’arrêt, après neuf pièces incandescentes. Un voile obscur se pose dès le premier titre, “The Great Pan is Dead”, où cordes et claviers s’entredéchirent, sans répondre à la question centrale incidemment posée, «But is there a trail to salvation / or salvation anyway».

La suite allie dissertations thématiques et références aisément identifiables, nuançant malheureusement l’audace de l’exercice. Le désenchantement est ainsi de mise sur “Pacing Around The Church”, qui n’est pas sans rappeler “Unconditional” de The Bravery, tout comme “Catacombs”, dont l’intro marche sur les pas du “Close to Me” de The Cure, avant de lorgner sur la scène C86 britannique. “Underworld USA”, lui, s’est échappé d’une séance de Nine Inch Nails, tandis qu’ “Icons of Summer” et “Villains of the Moon” piétinent partiellement les plates-bandes de New Order.

Cependant, pour être juste, il convient de pardonner ces légers pillages et quelques malencontreux excès de Roland en reconnaissant l’assomption assumée de cet héritage et un sens remarquable du refrain imparable. Sans parler de cette voix emphatique et grandiloquente, convoquant, sans vergogne, autour du même autel, les regrettés Stiv Bators des Lords of the New Church et Fad Gagdet, pour des envolées aussi orageuses que vibrionnantes.

Si l’œuvre ne révolutionne pas le genre, elle a l’immense mérite de l’extraire de ses marges pour l’exposer à un plus grand nombre. Dans la foulée d’une participation au festival All Tomorrow’s Parties l’an dernier, sur convocation de Matt Groening himself, le groupe est d’ailleurs attendu, ce printemps, pour des performances abrasives, avec pour point culminant, un adoubement espéré à Coachella.

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« Confetti » en écoute :