Dans la grande famille du folk américain, William F. n’est pas moins névrosé que ses petits copains. Mais il se soigne face à nous et se révèle attachant.


Entre la physionomie de William Fitzsimmons et sa musique, le contraste est saisissant. Cheveux ras et barbe longue – moine shaolin sous influence Raspoutine ? – il pourrait servir le plomb au sein d’un combo hard-core. Pourtant, sur la pochette de Gold In The Shadow, le col du caban est aussi relevé que le regard de l’homme est plongeant.

Apparence – crâne nu, bouche camouflée – titre d’album – “de l’or dans l’ombre” – nous voguons entre dissimulation et dévoilement ; loin des apparences trompeuses ou de la simplification réductrice. Apprendre que Fitzsimmons est également psychothérapeute offre une clé pour appréhender le personnage et ses créations. On se dit qu’il pratique là une thérapie inversée, comme s’il était le patient sur le divan nous livrant ses maux et ses troubles. Sa voix et sa musique seront donc libérées sur le registre de la confidence, timbre pondéré, tonalité posée. William est de ceux qui se déplacent sur la pointe des pieds, qui jouent et chantent discret, sans pour autant sombrer dans l’austérité.

Originaire de Pittsburgh en Pennsylvanie et installé à Jacksonville dans l’Illinois, WF n’est pas un petit nouveau. Et Gold In The Shadow, quatrième album studio depuis 2005, débute par une pépite. “The Tide Pulls From The Moon” fait partie de ces morceaux en plume qui s’arrachent seuls du sol, sans effort apparent. Une belle chanson, où chaque élément est à sa place, parfaitement dosé. Jusque dans l’évidente simplicité de ses développements.

Autre gracieuse réussite, “The Winter From Her Leaving” chemine sur les traces d’Elliott Smith. Même manière de caresser la mélodie, d’esquisser la mélancolie. On perçoit une nouvelle ascendance directe, qui pourrait être Sufjan Stevens. Un Sufjan qui aurait laissé tomber ses velléités épiques et schizophrènes de dramaturge pâtissier.

William Fitzsimmons nimbe ainsi son folk de touches électro bienvenues. Celles ci irriguent certains morceaux de microscopiques tensions nerveuses. Comme sur “Fade And Then Return”, où grouillent des « blips » et des « gloups ». Ou encore les « claps » rythmant la joliment nommée “Psychasthenia”. Sur cette chanson planerait presque l’ombre délicate et actualisée du Prefab Sprout de Steve McQueen.
Ailleurs, sur “Bird Of Winter Prey”, Fitzsimmons sait aussi sortir des cordes émouvantes à la Tindersticks. Toujours avec goût des agencements classieux et retenus. Ce qui est moins le cas sur “Let You Break”, duo avec Leigh Nash où le refrain joue un peu trop la facilité. Comme calibré pour un soap adolescent, le sorbet coulant le long du cornet.

Ainsi, sur sa fin, Gold In The Shadow semble s’engourdir et s’étire plus mollement. L’ombre recouvre peu à peu l’espace. Et malgré les qualités précitées peut se ressentir une certaine monotonie, notamment à travers le chant qui tend à s’effacer. On aimerait que cet homme au cœur lourd se secoue un peu, et nous avec.
Cependant, toujours raffiné, il s’applique autant à soigner ses compositions, petites fleurs fragiles mais vivaces. Somme toute et au-delà des influences distinguées, le modeste William Fitzsimmons impose sans heurt son indéniable talent.

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