Un premier album sensible au-delà du raisonnable, irrecevable par certains, magique pour d’autres. Qu’en aurait pensé Paul le Poulpe ?


Homme prévoyant, Alexandre Longo a mis un casque. Un bon moyen d’esquiver les baffes que n’ont pas manqué de lui adresser quelques uns. Plutôt rares en fait, car The Human Octopus a été assez bien reçu au sein du Landerneau pop hexagonal.
Le nom choisi, son univers esthétique, l’anonymat physique, sa musique. Malgré les apparences, Longo ne fait pas le malin. Cascadeur porte un casque parce qu’il se présente nu, d’une sincérité désarmante. Lui reprocher sa mollesse, son manque de substance, ces ficelles qui tiennent plus de la corde de pendu … tout ceci ne sert à rien.

Soit vous balaierez d’un revers de main ses chansons d’enfant de cœur (Michel Berger, sors de ce casque !), soit vous vous avouerez plus ou moins furtivement ému par ces ballades en apesanteur, morceaux de haute voltige dans une boule à neige. Rarement aura-t-on entendu une musique si monocouche, d’un premier et unique degré, simples à en faire baver n’importe quel variéteux à la recherche du saint graal (“The End,” par exemple , ou encore “Memories”). A l’autre bout du spectre, si Radiohead avait composé il y a quelques années certains de ces titres, en y ajoutant des bizarreries prise de tête, des crêtes ardues et des gouffres sans fond, on peut parier qu’ils en auraient fait un carton ; pâte, peut-être.

Pas putassier mais naïf à en être touchant, Cascadeur fait des cabrioles sans filet au dessus d’un océan de miel truffé de monstres carnassiers. L’enfance, cette putain d’enfance qui nous a tous mis dans de beaux draps, ceux de la mélancolie et du paradis perdu. Qu’importe qu’on se soit endormi en milieu d’album, de tout son long The Human Octopus est une berceuse, un aller sans retour dans le liquide amniotique. Le temps de quelques morceaux limpides (“Walker”, “Waitin”, “Meaning”), Cascadeur se charge de nous faire oublier que le monde est moche et que la situation est désespérée. Il nous rappelle que nous ne sommes qu’amour, et que l’amour c’est beau et triste, triste et chiant. Que l’enfance est finie mais qu’en enfilant un casque d’aviateur, tout redevient possible, et aussi illusoire qu’un tour de passe-passe. Paradoxalement, un homme masqué est souvent un être courageux.

Cascadeur, « The End »